L’homme aime ce qu’il comprend et il comprend plus facilement ce qu’il aime. Personne n’aime ce qu’il ne comprend pas, parce que comprendre s’accorde avec le fait d’aimer et aimer donne du plaisir et du charme au comprendre. C’est pour cela que faire ce qu’on ne comprend pas est désagréable et déplaisant. Comprendre ce qu’on n’aime pas est pénible et frustrant. Essaie d’aimer ce que tu ne comprends pas ou de comprendre ce que tu n’aimes pas, et tu verras que comprendre et aimer doivent faire un, pour que l’un et l’autre aient un sens.
Le problème qui agite aujourd’hui les esprits sur la révision de la Constitution guinéenne et qui interpelle l’observateur de bon sens est celui de la compréhension de la sémantique du mot lui-même. Creuse un peu et tu te rendras vite compte que beaucoup de personnes en parlent mais peu savent vraiment de quoi il s’agit. Combien d’individus se sont même donné la peine de lire notre Constitution ? Discourir, débattre, discuter sur ce q u’on ne connaît pas, voilà ouverte la boîte de Pandore. Jette –z-y un coup d’oeil et regarde ! Qu’y voit-on ?
On y voit des techniciens et des hommes de loi ou de droit qui racontent des inexactitudes énormes sur la thématique et la sémantique du mot Constitution, qui montrent, sans se voiler la face , qu’ils disent parfois ce qui est loin d’être juste. Il y a des théoriciens et apparentés qui se proclament, les uns pour et les autres contre toute révision, au point qu’il est donné d’entendre des sons très discordants sur le sujet . Dans ce concert, tout donne l’impression que beaucoup ne savent pas de quoi il s’agit, et pourtant il ne se gênent point d’en parler, de persuader et de convaincre. Alors, tu vois , l’heure est venue d’en parler avec un peu plus de profondeur en développant les points suivants. I) Qu’est ce que c’est qu’une constitution. II) Quelles sont les sources et les racines de la Constitution Guinéenne et de celles de beaucoup de pays dans le monde ? III) Comment un pays, comme la France, dont la Guinée a été très influencée en termes de culture et de loi écrite, a-t- elle évolué dans ses si multiples constitutions et pourquoi elle en a eu tant ? IV) En fait c’est l’histoire qui fait la Constitution et non l’Etat.V) Pourquoi la Guinée ne saisirait-elle pas l’occasion, lors de la révision de sa Constitution, pour appuyer et consolider tout ce qui va, et, pour élaguer et réparer tout ce qui ne va pas ? Quelle suggestion chacun peut-il faire pour le progrès de notre pays lors de cette réforme? Pourquoi ne pas s’approcher du pouvoir constituant dérivé, dialoguer paisiblement avec lui, pour le rendre encore plus sensible aux problèmes cruciaux du pays ? Que peut-on suggérer de très nouveau pour l’harmonie de notre pays en termes de changements profonds ? Nous éclaircirons ici les 4 premiers points et le cinquième sera traité dans le prochain article, à paraître.
I-Qu’est-ce qu’une Constitution.
C’est la règle de droit la plus élevée dans l’ordre juridique et judiciaire d’un pays. C’est un ensemble de textes organisés en titres, en chapitres et en alinéas. Elle définit les différentes institutions composant l’Etat et organise leurs relations. Elle est la loi et l’acte politique qui unit l’ensemble des rapports entre gouvernants et gouvernés au sein de l’Etat , en tant qu’unité d’espace géographique et humain. Elle protège les droits et les libertés des citoyens contre l’abus des trois pouvoirs (législatif, judiciaire et exécutif). Toutefois, il y a une chose très importante qu’on ignore. Laquelle ? C’est une pure fiction de penser que la Constitution fonde et encadre juridiquement l’Etat. Ce n’est qu’une fiction. Pourquoi ? Parce que l’histoire politique précède la Constitution au point de lui conférer et sa légitimité circonstanciée et son autorité politique. Cette histoire est alors introduite dans le droit en étant qualifié de « pouvoir constituant », entendons par là , le pouvoir souverain qui établit une nouvelle Constitution, qu’elle soit originaire ou qu’elle soit dérivée. Comprends bien cela à présent, et tu saisiras plus facilement comme nous le verrons plus loin, pourquoi on a vu , tant et tant de fois , des pouvoirs constituants originaires effacés par des pouvoirs constituants dérivés, au point que les pouvoirs dérivés sont devenus de nouveaux pouvoirs constituants. Cela est constant. Chaque pouvoir constituant laisse toujours une porte ouverte au pouvoir en place, de réviser une Constitution, lorsque les nécessités de la Nation s’expriment et l’en imposent.
C’est l’histoire , depuis de la Rome antique, jusqu’à nos jours, qui nous l’enseigne. Cet enseignement est constant. Loin d’enfermer les textes dans une tour d’ivoire ou par mille parois en béton entouré, le pouvoir constituant originaire laisse toujours une porte ouverte de révision ou de reforme constitutionnelle au pouvoir constituant dérivé. Sans cela, chaque pays se sentirait enfermé comme une huître dans sa coquille. Nous y reviendrons en observant le panorama de certaines nations dans ce domaine. Aucun pays ne s’est cloisonné dans une Constitution insusceptible de révision. Ce serait son déclin. Penses – y !
II-Quelles sont les sources de la Constitution Guinéenne ?
Il ne sera pas utile de remonter à l’organisation politique de Rome, qui a connu l’un des systèmes politiques les plus admirables, pour gouverner d’une main de fer un si grand Empire pendant des siècles. Nous irons droit au but, en nous intéressant immédiatement à l’origine directe de notre constitution. L’essentiel de notre droit est un mimétisme du droit français, dont le point de départ est la Révolution française de 1789, en particulier la Constitution de 1848 qui a créé la fonction du Président de la République. Napoléon III, un neveu de Napoléon Bonaparte, a été successivement le dernier Empereur de l’Empire, le Premier Président de la République en cumulant le rôle de dernier Président de Conseil. C’est la Constitution de 1848 qui a institué la fonction de Président de la République, et la majorité des Etats d’aujourd’hui en ont été inspirés et ont simplement copié ce modèle de Régime présidentiel. Que s’est –il passé ?
III- Comment la France, dans son histoire, a évolué dans ses grands changements politiques, ses multiples régimes , ses si nombreuses Constitutions et ses si innombrables révisions constitutionnelles
D’abord, avant la révolution, à partir de 481 ans après Jésus Christ, la France a été gouvernée par un ensemble de monarchies absolues, des vraies dynasties qui ont régné tour à tour ,sans partage, pendant près de 14 siècles, dans la chronologie suivante : 1)Les 17 Mérovingiens (de 481 à 751), 2)les 12 Carolingiens( de 751 à 987),3) les 14 Capétiens ( de 987 à 1328), 4) les 13 Valois (de 1328 à 1589) 8)les 8 Bourbons (de 1589 à 1848). Mais en réalité depuis la mort de Louis XVI, guillotiné le 29 janvier 1793, la monarchie absolue s’était quasiment éteinte
Il y a eu donc , pour commencer, la Révolution Française ( qui a duré 10 ans et 6 mois entre le 5 mai 1789 et le novembre 1799), puis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen , rédigée en 1789 par l’Evêque Jérome Marie CHAMPION de Cicé (né le 3 septembre 1735 à Rennes et mort le 18 août 1810 à Aix en Province où il était Archevêque) . Ce texte puissant de la Déclaration deviendra le monument préambulaire de tant de Constitutions, d’Accords,de Traités et de Déclarations dérivées, comme la Déclaration universelle des Droits de l’Homme adoptée le 10 décembre 1948 à Paris , par l’Assemblée générale des Nations Unies.
La toute première Constitution est votée en 1791
La République est proclamée le 21 septembre 1792
La France, après la monarchie, sera gouvernée d’abord par la Convention thermidorienne (du 27 juillet 1794 au 26 octobre 1795), puis par le Directoire, c’est –à-dire 5 directeurs entre lesquels on a reparti le pouvoir exécutif ( du 25 octobre 1795 au 9 novembre 1799) , ensuite par le Consulat (du novembre 1799 au 18 mai 1804) puis par un système impérial ou Premier Empire français (du 18 mai 1804 au 7 juillet 1814), instauré et institué par Napoléon Bonaparte, et de nouveau par la monarchie rappelée par les vainqueurs de Napoléon, d’abord en la personne de Louis XVIII ( 1814-1824), puis de Charles X, (1824-1830) puis de Louis – Philippe Ier (1830-1848), puis de nouveau par le Régime impérial de nouveau avec Napoléon III, neveu de l’Empereur Napoléon Bonaparte. Il est empereur des français pendant 17 ans (du 02/12/1952 au 4 septembre 1870), chef du gouvernement français pendant 18 ans 2 mois et 7 jours (du 26/10/1851 au 2 juin 1870) et Président de la République, pendant 3 ans,11 mois et 12 jours,( du 20 décembre 1848 au 2 décembre 1952)
C’est donc la constitution de 1848 qui a créé la fonction de Président de la République. Observe la planète. Les 95% des pays sont devenus des Républiques, et ont tous adopté comme régime le Régime présidentiel. Cela dure depuis plus de deux siècles. Mais en 200 ans des choses ont changé dans beaucoup de pays et dans beaucoup de domaines. Ces changements écrivent l’histoire et l’histoire décrit les changements. La Guinée connaît-elle des difficultés, des changements sociaux, culturels, politiques, économiques ? Certes oui ! De ce fait, une révision de constitution n’a rien de mal en soi, car l’immense souffrance du peuple mérite que nous y réfléchissions et pensions comment rendre notre pays meilleur. Si nous pensons qu’historiquement, économiquement et socialement la Guinée n’a pas bougé, alors nous n’avons besoin d’aucune nouvelle constitution. Mais, si en revanche, nous pensons que nous nous sommes différemment inscrits dans l’histoire, alors c’est l’histoire qui fera notre constitution. Vois le nombre de Constitutions que la France a connues. Avant la révolution de 1789 la France était gouvernée autrement qu’après la Révolution ; pendant le Directoire autrement que pendant le Consulat et pendant l’Empire autrement que pendant la Première République, pendant la deuxième République autrement que pendant la première , et ainsi de suite. Et pourquoi cela ? Parce que c’est l’histoire qui précède précède toute Constitution.
IV-En fait c’est la force de l’histoire qui fait les Constitutions et non l’Etat
En vertu qui précède, il est évident que cela saute aux yeux que ceux sont les évènements historiques et politiques qui imposent des changements de régime et des changements de constitution. Quelques exemples. Pour passer de la monarchie absolue, en France, à la monarchie constitutionnelle il a fallu une Constitution. Il en a fallu une autre pour passer de la monarchie constitutionnelle à l’abolition totale de la monarchie. Il en a fallu une autre pour passer du Directoire au Consulat, encore une autre pour passer du Consulat au Premier Empire et pour passer d’une République à une autre, il a fallu d’autres textes constitutionnels… Mieux encore au cours de l’exercice d’une même République, il y a parfois plusieurs révisions constitutionnelles. Essaie de prendre un point précis de l’histoire de France et vois comment , par exemple, à la fin de la Deuxième guerre mondiale la carte géopolitique et les bouleversements économiques et financiers ont été à la base de la Constitution du 4 octobre 1958, initié par le dernier Président de la 4ème République, René Coty (1954-1959). Entre 1940 (debut de la deuxième guerre mondial et 1947 , il y a eu vacance de la fonction présidentielle.
La France a vécu sans Président, pendant 7 ans. Pour passer à la cinquième République, il a fallu encore une Nouvelle Constitution, celle d’octobre 1958 dont nous avons parlé…. C’est toujours l’histoire et encore l’histoire qui justifie la création ou la modification d’une Constitution.., c’est toujours l’histoire qui précède une Constitution. Ce n’est pas tout…
D’autres exemple de révisions de la Constitution sont particulièrement édifiantes. Les départements métropolitains français au nombre de 83 avant, ont été créés par l’Assemblée constituante le 22 décembre 1789. On ne parlait pas encore de régions. Celles-ci ont été créées en 1954. Elles ne furent reconnues dans la Constitution qu’en 2004. On se souviendra du référendum sur la régionalisation organisé par le Général de Gaulle en 1969 dont l’échec lui a valu son départ et sa démission. On se souviendra aussi comment le Président François Hollande a modifié la carte des régions de la France métropolitaine en les faisant passer de 22 à 13 régions, par le processus d’une révision constitutionnelle. Une fois de plus c’est l’histoire qui fait et encadre les Constitutions et non l’Etat.
Si c’est l’histoire qui fait les Constitutions et si la Guinée connaît aussi son histoire, elle devrait aussi adapter ses constitutions à son histoire. Pour ne pas toucher à une Constitution , il faut accepter le principe d’un Etat anhistorique ,un Etat mort qui ne bouge pas et qui ne vit pas. Il y a trop de changements en Guinée pour que le concept de révision constitutionnelle ne soit pas perçu comme quelque chose à tenter et à risquer !
QUE DIEU BENISSE ET PROTEGE LA GUINEE
Dr Alexis OUENDENO
LA REDACTION /664020659