Les guinéens ont été appelé aux urnes ce dimanche 22 mars 2020 pour des élections législatives et référendaires dans un contexte particulièrement difficile, marqué par :
Des menaces de violences, d’affrontements et d’empêchements de la tenue des scrutins ;
Un boycott du processus par les principaux partis politiques d’opposition ;
Une division manifeste des acteurs socio-politiques sur le changement constitutionnel ;
Une divergence des acteurs socio-politiques sur la crédibilité et la transparence du fichier électoral ;
Des inquiétudes et soupçons sur les velléités de conservation du pouvoir par le Président de la République ; Une crise sanitaire mondiale de corona virus (Covid-19), dont la Guinée n’est pas épargnée.
Des risques graves d’atteintes aux droits humains.
Le doute exprimé par la communauté internationale, notamment la CEDEAO, l’UA et l’UE sur la non inclusivité du processus électoral.
C’est pour faire face à cette situation et consciente de son rôle de veille, d’alerte et d’interpellation que la société civile guinéenne à travers une dizaine d’organisations et plates-formes a mis en place synergie d’action dénommée le « Regards du Peuple (RdP) ».
Le RdP est une coalition d’organisations de jeunes, de femmes, de médias et autres intervenants dans le processus électoral et les droits humains. Les membres du RdP ont en commun l’impartialité, la neutralité et l’objectivité dans l’observation citoyenne et non partisane du processus électoral. Il a été mis place en 2020 pour assurer l’observation des élections législatives et du referendum.
Les organisations membres du RdP ont observé l’ensemble des opérations pré-électorales, les manifestations politiques et fait le monitoring des discours politiques. Elles ont également mené des consultations auprès des institutions nationales et internationales courant le mois de février pour recueillir leur analyse sur la situation socio-politique afin de permettre à la société civile de proposer des pistes de solutions de sortir de crise. Ces consultations ont débouché sur l’élaboration d’un relevé de conclusion et de propositions de solutions à la crise politique daté du lundi 9 mars 2020. Il s’agit entre autres de : l’acception par tous les acteurs du fichier électoral issu de l’expertise de la CEDEAO pour l’organisation des toutes élections en 2020, réouverture du délai de dépôt des candidatures aux partis politiques de l’opposition et le respect de la loi et des procédures d’interpellations des citoyens…
La méthodologie de travail a consisté à :
La responsabilisation effective des démembrements des OSC membres dans l’identification, la formation et le déploiement des observateurs sur la base des critères d’objectivité, de neutralité et indépendance conformément à la note circulaire 0357 en date du 20 mars 2020.
Mise en place d’un dispositif composé de cinq mille (5000) observateurs et superviseurs répartis dans les 342 communes rurales et urbaines du pays.
La mise en place d’une « Task-force » basée à Conakry et composé des responsables des OSC membres de la Coalition, un groupe d’expert indépendant et un dispositif technique de collecte, traitement et analyse des informations issues des observateurs et superviseurs. Le cadre d’analyse des données est composé d’une chambre politique et juridique, une chambre d’analyse des données électorales et une chambre de traitement des incidents, violence et genre, ainsi que la Cellule de communication.
A ce stade de collecte et de remontée des informations sur le terrain, les principaux constats sont faits sur un échantillon aléatoire de 600 observateurs rapides et des 200 superviseurs répartis dans tout le pays.
Ouverture des bureaux sur le plan national :
91% des bureaux de vote ont ouvert entre 7h et 8 h ;
7,1% ont ouvert après 8h ;
1.9% n’ont pas du tout ouvert.
Si les statistiques sus-citées concernent l’ensemble du territoire, il faut cependant relever qu’en général dans les régions administratives de mamou, labé, la préfecture de télémélé et la commune urbaine de Ratoma à Conakry et quelques endroits de Nzérékoré et de Macenta des bureaux de votes n’ont pas ouvert (voir le rapport des incidents plus bas).
En plus de problèmes techniques et matériels d’ouverture des Bv, les cas de violence enregistrés, le retard pourrait s’expliquer par le couplage des scrutins et la contradiction entre les dispositions de l’article 66, alinéa 2 du Code électoral révisé dispose et celles de l’article 12 alinéa 2 de l’Ordonnance/2020/001/PRG/SGG portant dispositions relatives au référendum.
Disponibilité des matériels électoraux à l’ouverture des bureaux de vote :
Isoloirs 72% ;
Urnes transparentes 73%
Encre indélébile 69% ;
Liste d’émargement 88%
Bulletin de vote 99%
Enveloppe 72%.
Il faut noter que ces statistiques ne prennent pas en compte les matériels électoraux qui ont été détruit après l’ouverture des bureaux de vote dans plusieurs localités du pays, notamment les régions administratives de mamou, labé, préfecture de télémélé, la commune urbaine de ratoma, et quelques quartiers des préfectures de Nzérékoré et macenta.
Pour le cas spécifique des bulletins de vote, il faut relever le manque, l’insuffisance ou l’indisponibilité des bulletins « NON » du referendum. Ce constat était marqué dans les communes urbaines de faranah et kankan.
Dans la mi-journée (13 hres) et conformément aux constats préliminaires mentionnés dans la note circulaire du 20 mars 2020, les scrutins sont émaillés d’incidents à travers le pays. Ils ont été catégorisés en :
Bureaux de vote incendiés ou saccagés :
Dans la commune de ratoma : Sonfonia casse, sonfonia samatra village, école franco-arabe BV1,2,3 et 4, Sonfonia centre 1, Nasourlaye et Bantouka, école primaire KK ;
Dans la commune de Matoto : BV dans le groupe scolaire Kolè2 ;
Dans la commune de Dixinn au quartier Hafia minière centre, cinq BV saccagés ; Dubréka, à kénéndé plateau, BV1 et 2 ;
Gaoual, dans la commune urbaine, quartier Hafia, le BV Erc4 et Erc2(remplacés) 3 BV dans la sous-préfecture kakoni, secteur Boundèrè, 2 BV dans la sous-préfecture de wendèbour, 1 BV dans la sous-préfecture de Koumbia
Mamou, dans les quartiers Lopè,Télico, école primaire Hamdallaye ; deux bureaux de votes à Saramoussayah incendiés ; la gendarmerie de poredaka incendiée avec tout le materiel électoral
Dongholtouma, Timbi madina, Maci, Ninguelande, Bantignel bureaux de votes saccagés et d’autres fermés
Missira dans Telemele, trois bureaux de votes incendiés et les bureaux de votes de Madina fasse, zoghoto ABC, Borothy fermés ; Bureaux de votes à kompeta saccagés ; à Daroul, Madina fasse membres de bureaux de vote chassés, Daramagnaki matériel électoral emporté.
A Dalaba dans les sous-préfectures de Ditinn, Kaala, Kebaly matériel électoral incendie
Koundara commune urbaine, bureau de vote numero1 ;
Dinguiraye dans la sous-préfecture de Lansanaya à Dayébhe ;
A Tangaly et à Fatako dans la préfecture de Tougué ;
Nzérékoré, 6 bureaux de vote à l’université dans le quartier Gbanhana (délocalisés)
A Macenta dans la sous-préfecture N’zebela deux bureaux de vote brulés à Doumou et Kouman
A Yomou dans la sous-préfecture Bowen, district woré 1 bureaux de vote de magasin plate-forme et maison des jeunes saccagés (rapporté hier nuit).
Autre cas d’incendie et violence :
Une vingtaine de boutiques incendiées à Sonfonia Casse, un vehicule calciné à Kobaya devant l’école Amadou Sylla et trois camions et une autre voiture à Fossidet sur la T6 dans la commune de Ratoma.
Destruction d’une usine de bois, et d’une dizaine de conteneurs et incendie de la maison du chef de quartier dans Wanidara 3 (rapporter hier samedi)
Deux menuiseries, et cinq conteneurs incendiés ainsi que le palais Kolima à kouroulah et Konkola dans la commune urbaine de Labé.
Les sous-préfets de Bantignel, Brouwal tappe ont été violentés puis chassés
La résidence du sous-prefet partiellement incendiée et le kit électoral brulés à Konah dans Tougué
Vote empêché :
Commune de Matoto : Ecole Gbessia cité II, Dabondy à l’école Primaire Bill Clinton ;
Commune de Ratoma : Collège Sonfonia rails ; Sonfonia centre 1, BV 5,7,8 à école franco arabe, Hamdallaye 1 et 2 (délocalisés) ; sur les 38 BV de Kolomah -soloprimo seulement deux BV ont pu être ouvert par les représentants des partis politiques candidats en l’absence des membres de BV
Commune de Dixinn : Les BV de Hafia1 permanence et Hafia3 le vote a été empêché et les bureaux de vote délocalisés.
Boffa, à Kolon et Katala le vote a été empêché;
Gaoual, Sous-préfecture de Kounsitel, Malanta (aucun bureau ouvert)
Koubia 1 seul centre de vote installé sur
Lélouma commune rurale de Sangalé, Manda, Linsa sara ; Commune urbaine Centre de vote de diala2.
Les membres de bureaux de votes chassés à Darah dans la préfecture de Tougué.
A Dalaba commune urbaine sur 47 bureaux de vote seulement 18 ont été installés.
A Labé dans commune urbaine sur les 220 bureaux de vote regroupés dans cinq centres seuls les centres de Konkola et Kouroula ont été ouverts mais le vote empêché à Kouroula par les jeunes.
Cas d’affrontements, blessé et de mort :
En général plusieurs cas de morts sont enregistrés à Conakry (six à confirmer par nos observateurs) et un cas à kegneko dans la préfecture de mamou.
A hamdallaye dans la commune de ratoma suite aux affrontements ;
A Nassouroulaye, observatrice du RdP, blessée, Fossidet sur la T6 affrontement entre manifestant et contre manifestant, plusieurs cas de blessés graves
Dans la commune urbaine de Gaoual, le président du bureau de vote ERC1 blessé et hospitalisé
Ailleurs, les groupes d’auto-défense et contre manifestants s’organisent dans les endroits de la capitale (Kobaya, Kiroti, kissosso…).
A ce stade de nos constats, les élections se déroulent dans une tension extrêmement vive avec des scènes de violences réparties géographiquement à travers le pays. Dans les régions de Mamou, Labé d’une part et les communes de Ratoma à Conakry, de Nzérékoré et Macenta et la préfecture de Télémélé d’autre part, le vote a été interrompu et empêché par des groupes d’opposants. Dans l’attente d’une confirmation par nos observateurs le nombre de personnes tuées au cours des affrontements seraient de six (6) à Conakry.
En attendant la suite de notre observation sur le terrain, le RdP relève que le double scrutin du 22 mars 2020 reste le plus agité et violent jamais observé par la société civile guinéenne. Le RdP affirme avec force si rien n’est fait pour stopper la violence et sécuriser le processus, de graves irrégularités entacheraient la crédibilité des scrutins.
Pour éviter la commission d’autres irrégularités, le RdP demande à la CENI de respecter scrupuleusement les prescriptions du code électoral et des bonnes pratiques électorales.
Fait à Conakry le 22 mars 2020 à 14h.
La Task-Force Nationale