Ratification de la convention d’Etablissement de la Société Agro-Industrielle Guinéo-Emirati (SAGE S.A): Voici les recommandations du groupe parlementaire Alliance Patriotique

Renvoyée pour la deuxième lecture ,les députés  de l’Assemblée nationale,ont finalement ratifié  en plénière ce vendredi  07 mai 2021 ,la convention d’établissement de la société agro-industrielle Guinéo-Emirati (SAGE-SA) pour la relance de l’ex Salguidia.

Cette relance permet le développement socio-économique des zones de production de l’ananas en Guinée. Elle favorise l’aménagement et l’exploitation de terres agricoles d’une superficie de 2100 hectares pour la production de l’ananas et de sa transformation, en vue d’une commercialisation en Guinée et pour l’exportation.

Avant de passer au vote après examen et débats , les députés du groupe parlementaire  Alliance Patriotique , ont fait des recommandations pertinentes à l’endroit de l’exécutif. Nous proposons ci-dessous  l’intégralité de l’explication de vote présentée par le président du groupe Honorable Dembo Sylla.

Monsieur le Président,

Honorables Députés,

Le mercredi 04 mai 2016, suite à la déclaration de politique générale du Premier ministre, les députés de la 8ème législature ont longuement et profondément échangé sur ce qu’il convient d’appeler la problématique du centre agro-industriel de SALGUIDIA.

La Société guinéo-libyenne située dans la sous-préfecture de Maferinya, elle a été créée dans les années 1970 sous le régime de la première République avec une superficie de 2200 ha. SALGUIDIA, c’était aussi une usine, plusieurs immeubles, des retenues d’eau, plus de 400 employés permanents et de milliers de familles intimement et de façon séculaire liées à ces filières d’activités. À travers le temps, cette société a subi des parcours de reprises ou de tentatives de relance hasardeuses en passant notamment par des nationaux. Aujourd’hui, comme une fois de plus, elle va être reprise par une énième société de droit émirati à hauteur de 80% et la Guinée se contentant des 20 % restants.
Avons-nous des informations certaines et des preuves d’une quelconque expertise de cette société dans le monde, en Afrique dans les domaines agro industriels ? Pas en tout cas dans les dossiers fournis à la représentation nationale. En nous amenant à adopter une telle convention, seul le gouvernement engage sa propre responsabilité devant l’assemblée nationale et le Peuple de Guinée tout entier. SALGUIDIA a été une société agro-industrielle importante du pays et a contribué à l’essor économique et à la fierté nationale. Tous ceux qui ont vécu ces moments en sont témoins. Elle n’a pas été toujours décadente du tout et c’est le lieu de reconnaître le haut niveau de la politique agricole et d’industrialisation de la première République dont SALGUIDIA en était un des fleurons.

Monsieur le président,

Honorables Députés,

Nous sommes tous contraints de reconnaître la vérité historique pour permettre de bâtir une nation forte et objective, maitre de son destin. Nous sommes profondément écœurés de lire de la part de nos cadres du ministère de l’industrie dans leur exposé des motifs ce qui suit : depuis sa création, il y a 44 ans, la SALGUIDIA n’a pas pu connaître le développement et la croissance escomptés, malgré les efforts financiers de ces actionnaires. Il fut des temps en Guinée et dans la sous-région, pendant lesquels les petites boîtes de jus et de tranches d’ananas de SALGUIDIA se retrouvent partout. L’usine a fait la fierté du pays à l’instar de plusieurs autres comme l’imprimerie Patrice Lumumba dont les célèbres cahiers et autres matériels didactiques se vendaient partout en Guinée et dans la sous région ouest africaine. SALGUIDIA a été victime, comme des dizaines d’autres unités industrielles, d’une mauvaise privatisation sinon d’un démantèlement pure et simple. Nous insistons dessus car nous sommes des témoins oculaires. Monsieur le Président, Honorables Députés, En guise d’illustration, en février mars 1980, la Banque mondiale terminait un rapport sur les industries en Guinée, commandé par les partenaires bilatéraux et les institutions de Breton Woods dans lequel on notait l’existence de plus de 180

entreprises publiques qui étaient administrées par six sociétés sectorielles. Elles assuraient environ 75% des emplois du secteur moderne. La Guinée exportait 25 mille tonnes d’ananas dans les années 70 avant l’arrêt de l’usine SALGUIDIA et avait permis au pays de s’identifier sur le marché international ; en conséquence, la vérité historique ne permet pas de dire que cette unité industrielle n’a pas donné satisfaction depuis 44 ans de sa création. Aussi, un rapport d’experts produit en juin 2019, livre des informations crédibles et dignes de foi selon lesquelles l’unité était dotée de machines toutes neuves qui ont été installées à 95% avant l’arrêt des travaux entre 2013 et 2014 par la survenance de Ebola.

Monsieur le Président,

Honorables Députés,

Pour notre Groupe parlementaire, L’État doit sortir définitivement des ambitions minimalistes car, à lui seul ou en collaboration avec des nationaux il doit pouvoir financer un tel montant. Dix millions de dollars soit cent milliards deux cent millions de francs guinéens. Surtout qu’à Maferinya on ne part pas de néant, il y a de l’existant physique, une expertise agricole avérée, des milliers de familles qui opèrent dans cette filière de père en fils et de mère en fille depuis plus de cinquante ans. Ces terres sont exploitées depuis des décennies avec les mêmes cultures sans qu’aucune étude biochimique des composants minéraux soit réalisée notamment en ce qui concerne trois principaux que sont l’azote, le phosphore et le potassium (NPK). En réalité, Monsieur le Président, on spécule sur des terres pauvres, appauvries et lessivées d’où la qualité de moins en moins de nos fruits et légumes notamment dans la

zone de ce qui était mondialement appelé et reconnu comme le triangle bananier, nous devons traiter ces terres sinon nos espaces agricoles ne seront que l’ombre d’eux-mêmes. Au retour de la Convention à l’Assemblée Nationale, notre Groupe apprécie le volet intitulé plan de soutien à la filière ananas dans ses composantes principes, contrats avec les propriétaires des terrains et la procédure d’achat et encourage les cadres du Ministère à tenir bon et fermement ce programme.

Monsieur le Président,

Aucun guinéen ne s’opposera à un programme de développement agricole mais il est indispensable qu’il repose sur du concret, techniquement et scientifiquement étudié, planifié et mis en œuvre suivant les normes à travers lesquelles ils ont réussi ailleurs dans le monde. C’est notre passé et nos comportements durant des décennies dans ce domaine, monsieur le Président, qui sont déplorables. Souvenons-nous des jus et tranches d’ananas de SALGUIDIA, les matériels didactiques de l’imprimerie Patrice Lumumba, les boîtes de concentrés de courge douce de Mamou qui faisaient partie des aliments des cantines d’universités et garnisons militaires du pays mais aussi sur les marchés des pays voisins, le sucre roux très prisé de l’usine SUCOBA dont la production avait largement couvert les besoins intérieurs et se retrouvait partout en Afrique, l’usine de crevettes de Koba dont la première clientèle était la Communauté économique européenne, l’usine de thé vert de Macenta, de quinine et l’huilerie de Dabola qui avait l’envergure de placer la Guinée au peloton de tête de la production arachidière en Afrique de l’ouest. Monsieur le Président, elles ont toutes disparues en nous ramenant au statut d’importateur même du jus de fruits qui nous arrive du Pakistan ou de l’Inde.

Garantie des investissements Article III :

La République de Guinée ne prend pas de mesures d’expropriation ou de nationalisation ou toutes autres mesures dont l’effet est de déposséder directement ou indirectement la société LAICO-Guinée de ses investissements.
Monsieur le Président,

Honorables Députés,

Une fois de plus, notre Groupe parlementaire est disposé à soutenir toute initiative susceptible de promouvoir le développement économique et social du pays mais reste très pessimiste sur les politiques publiques sous-jacentes eu égard aux multiples échecs enregistrés et au manque de courage de la plupart de nos administrateurs de dire la vérité sur les dossiers nationaux. Parmi ces vérités, il y a celle pour un pays souverain de ne pas accepter de financier soit même un projet agro-industriel à hauteur de 10 millions de dollars alors que des centaines et des centaines de ces montants disparaissent impunément dans les détournements et la corruption, hélas ! Il en est de même pour le capital social qui est de 140 millions francs guinéens soit 11000 dollars. Pour nous, le gouvernement à travers le ministère en charge de même que tous les administrateurs impliqués sont et demeureront responsables devant le Peuple et l’histoire. Eu égard à ces incertitudes et ces montants pour un projet sur 2200 ha notre groupe vous prend à témoin de toutes les inquiétudes par rapport à cette convention.

En somme, nous recommandons le vote positif des membres de notre groupe ainsi que l’ensemble des députés. Je vous remercie pour votre attention.

Conakry, le 07 mai 2021

Honorable Elhadj Dembo SYLLA

 

La Rédaction