Tribune libre de Gonzalo Muñoz et Nigel Topping, champions du climat de haut niveau des COP 25 et COP 26
C’est un refrain que nous entendons année après année : « C’est un moment décisif, la dernière chance d’endiguer la crise climatique qui se profile. »
Pourtant, si l’action en faveur du climat est aujourd’hui plus forte que jamais, nous sommes encore loin de l’avenir sain et résilient sans émissions qui est à notre portée.
Pour nous remettre sur la bonne voie, nous avons besoin que les entreprises, les investisseurs, les villes et les régions prennent la science du climat pour ce qu’elle est, (un avertissement existentiel) et commencent à réduire les émissions et à renforcer la résilience en 2021.
Cette crise climatique imminente nous a rattrapés. Qu’il s’agisse des incendies de forêt en Grèce, en Sibérie, en Turquie et en Amérique du Nord, des inondations en Europe, en Turquie et en Chine, ou encore des athlètes olympiques qui s’effondrent sous la chaleur au Japon, elle affecte notre santé et notre sécurité économique.
Les nouvelles données scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montrent que chaque degré de réchauffement rend la vie plus dangereuse, alors que chaque mesure prise rend la vie plus vivable.
Le sommet des Nations unies sur le climat, la COP 26, qui se tiendra à Glasgow en novembre prochain, est donc notre dernière chance d’y parvenir.
Les gouvernements nationaux ne peuvent y parvenir seuls. Les entreprises, les investisseurs, les villes et les régions peuvent montrer aux gouvernements qu’ils sont désireux et capables de suivre la science. Ce faisant, ils entraîneront leurs secteurs, leurs chaînes de valeur, leurs clients et leurs citoyens dans la course et susciteront une plus grande ambition nationale.
Les engagements à long terme pour des émissions nettes nulles ne suffiront pas. La science exige que nous réduisions les émissions mondiales de 7,6% par an, soit 50% dans les années 2020, tout en inversant la perte de biodiversité. Mais si nous pouvons citer de nombreux engagements louables en faveur du zéro émission dans les années 2040 ou avant, les exemples de pays qui réduisent déjà leurs émissions annuelles de 7,6% sont rares.
Le travail commence maintenant, avec les pays riches et le secteur privé qui font preuve de solidarité envers les personnes les plus menacées par le Covid-19 et la crise climatique.
Il passe par l’initiative « Build Back a Better World » du G7, qui mobilisera des capitaux privés dans les pays en développement en faveur de l’action climatique, de la santé, de la technologie numérique et de l’équité et de l’égalité entre les sexes ; par l’Assemblée générale des Nations unies, qui devrait renforcer l’action en faveur de la vaccination universelle contre le Covid-19 ; et par le Sommet sur les systèmes alimentaires, qui donnera lieu à des initiatives public-privé visant à transformer le secteur alimentaire, grand émetteur et source d’emplois et de moyens de subsistance.
Les dirigeants du G20 devront également réaffirmer leur engagement en faveur de l’élimination des émissions d’ici à 2050 et indiquer les moyens d’y parvenir : arrêt des projets d’exploitation du charbon, affectation des dépenses de relance à la lutte contre les changements climatiques et renforcement des 100 milliards de dollars par an promis par le monde développé pour le financement de la lutte contre le changement climatique.
Si ces moments sont bien choisis, Glasgow deviendra un point de pivot, où nous choisirons de regarder vers l’extérieur plutôt que vers l’intérieur, de faire preuve de solidarité plutôt que d’égoïsme.
C’est à ce moment-là que nous créons un plan Marshall pour l’action climatique, et non un traité de Versailles. Le traité de Versailles a mis fin à la Première Guerre mondiale en attribuant la faute et le fardeau des réparations à l’Allemagne, ce qui a paralysé l’économie allemande et conduit à la Deuxième Guerre mondiale.
Le plan Marshall, mis en œuvre après la fin de la Seconde Guerre mondiale, a généré des investissements publics et privés pour la reconstruction de l’Europe.
Un plan Marshall pour l’action climatique place les entreprises, les investisseurs, les villes et les régions au centre de ses préoccupations, en faisant preuve d’ambition depuis la base jusqu’aux gouvernements nationaux. Il intègre la science du GIEC dans tous les secteurs de l’économie, en orientant les investissements publics et privés des combustibles fossiles et de la déforestation vers les énergies propres, les transports électriques et actifs et les activités respectueuses de la nature.
Ce mouvement a commencé, comme le montre la croissance des campagnes des Nations unies Objectif Zéro et la « Race to Resilience », qui réunissent des acteurs du secteur privé et des collectivités locales s’engageant à atteindre un niveau zéro d’ici à 2050 et à renforcer leur résilience d’ici à 2030. Mais la science montre que chaque action entreprise aujourd’hui limitera le réchauffement d’une fraction de degré supplémentaire – nous devons donc poursuivre la course.