Cinquante six jours d’audience, 93 témoins, le tout devant une Cour de justice inédite créée spécialement par l’Union africaine… Le procès d’Hissène Habré a été historique. Les Chambres africaines extraordinaires (CAE) ont suscité de nombreux espoirs quant à l’autonomie de la justice internationale du continent africain.
C’était la première fois qu’un chef d’État africain était jugé dans un autre pays du continent que le sien. Les Chambres africaines extraordinaires , créées spécialement par l’Union africaine et le Sénégal pour juger les crimes d’Hissène Habré, ont symbolisé la potentielle capacité du continent africain à réparer lui-même les atrocités commises sur son sol.
La communauté internationale, craignant que la justice tchadienne ne puisse accorder un jugement équitable à l’ancien président, s’est toujours opposée à l’extradition d’Hissène Habré vers son pays natal. Mais d’un autre côté, malgré l’ordre de la Cour de justice internationale, la justice sénégalaise s’est déclarée incompétente à le juger, il fallait donc inventer une troisième voie pour que le procès puisse avoir lieu.
Ces CAE sont alors apparues comme le salut des victimes des dictatures sur le continent africain, loin de la Cour pénale internationale si décriée, proche des familles et des plaignants.
Il aura fallu une alternance politique à Dakar et l’élection de Macky Sall pour que les démarches soient enclenchées, mais le succès est réel. Un budget maîtrisé, -8,5 millions d’euros-, et un verdict rapidement donné. Seul bémol, la démarche effraie les chefs d’État africains et dirigeants de l’Union africaine qui ont clairement indiqué à l’avenir ne pas vouloir risquer de se retrouver devant un tel tribunal.
Les audiences mouvementées d’Hissène Habré
Durant son procès face à cette juridiction d’exception, Hissène Habré et ses avocats font de cette Cour inédite une cible : l’ancien président dénonce une structure juridique illégale. Il a opté pour l’obstruction et le mutisme dans sa stratégie de défense et déclenché des mouvements de soutien dans les rues de Dakar. Il a ensuite refusé de se rendre aux audiences.
Le 7 septembre 2015, il est amené de force dans la salle se débattant et criant le point levé « à bas l’impérialisme ». Les images sont fortes, on y voit Habré enturbanné et en boubou blanc porté par 6 policiers sénégalais vers le box des accusés.
Durant le reste du procès, Hissène Habré est resté muet, la bouche dissimulée par son turban et les yeux cachés derrière des lunettes noires. Une attitude désinvolte durant un procès hors norme, qui s’est conclu par sa condamnation en première instance et en appel, à la perpétuité