Le gouvernement de transition malien assure avoir déjoué une tentative de coup d’État « dans la nuit du 11 au 12 mai », mené par un « groupuscule d’officiers et de sous-officiers anti-progressistes maliens », « soutenus par un État occidental ». On en sait à présent davantage sur les suspects.
De source judiciaire, ils sont sept à avoir été présentés mardi 17 mai dans l’après-midi devant le Tribunal de la Commune 6 de Bamako. Inculpés d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État et tentative de déstabilisation, ils ont été placés sous mandat de dépôt.
Le plus gradé d’entre eux est le colonel Amadou Keïta. Rapporteur de la Commission défense du Conseil national de transition (CNT), il est considéré comme un proche du colonel Malick Diaw, président du CNT et membre de la junte qui a porté au pouvoir l’actuel président malien, le colonel Assimi Goïta. Les autres accusés sont lieutenant, sous-lieutenant, sergent-chef et adjudant de l’infanterie, de la sécurité militaire ou encore de la cavalerie.
Un membre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), les ex-rebelles signataires de l’accord de paix de 2015, figure aussi parmi les inculpés. Un porte-parole de la CMA précise que Baba Ahmed Ag Ahmeida a été arrêté le 7 mai, cinq jours avant la tentative de putsch présumé, et dément toute implication dans une tentative de coup d’État.
La France accusée d’être à la manœuvre
Les autorités maliennes n’ont communiqué aucun détail sur les actes posés par ces sept suspects, accusés dans le communiqué gouvernemental d’avoir voulu « briser la dynamique de la refondation du Mali ». Bamako pointe également le soutien d’un pays occidental dans cette tentative de putsch. Drissa Meminta, porte-parole du mouvement Yerewolo-Debout sur les remparts, qui soutient les autorités de transition et défend la souveraineté nationale du Mali, désigne la France :
« Nous ne sommes pas surpris. Nous étions conscients que le chemin que nous avons pris est plein d’embûches et d’obstacles. On allait tout faire pour nous empêcher, nous et le Mali, d’évoluer. L’impérialisme a plusieurs branches. D’abord, ils essaient sur le côté politique, et si cela ne marche pas, ils essaient avec des terroristes ou des rebelles. Nous savions que cela allait arriver. C’est ce que l’on a dit à tout le monde : le Mali d’aujourd’hui est différent du Mali d’hier. Aujourd’hui, nous avons des autorités qui veillent. Le seul pays qui a dit qu’il allait isoler le Mali est connu, c’est la France. Le seul pays qui a dit qu’il allait tout faire pour déstabiliser le Mali, c’est la France. Derrière cette tentative de coup d’État se cache la France. »
L’opposition pointe un malaise croissant au cœur de l’armée malienne
Des sources sécuritaires et judiciaires maliennes estiment que les personnes arrêtées auraient exprimé des désaccords et une forme de mécontentement au sujet de la conduite des opérations militaires sur le terrain, ainsi qu’à propos de certains changements au sein de la hiérarchie. L’une de ces sources évoque une « purge » parmi des voix dissidentes au sein de l’armée. Ismaël Sacko, président du Parti social démocrate africain, est l’un des leaders du Cadre qui rassemble les partis d’opposition à la junte au pouvoir. Il estime que cette annonce des autorités masque surtout un malaise grandissant au sein de l’armée.
« Nous avons tous les éléments qui montrent que le commandement de la chaîne militaire n’est pas respecté et qu’il ne fait pas l’unanimité. Cela pourrait expliquer une éventuelle tentative de coup d’État pour mettre fin à un régime tyrannique et dictatorial. Nous avons des échos selon lesquels la chaîne de commandement n’est pas bien respectée. Preuve en est : eux-mêmes accusent certains camarades de luttes en leur sein. Cela peut expliquer aussi pourquoi le colonel Assimi Goïta a préféré confier sa sécurité à Wagner, et que lui-même, au lieu de prendre les armes, préfère se bunkeriser entre le palais présidentiel et Kati. Cela ne rassure pas, indique Ismaël Sacko.
Le communiqué dit qu’il y aurait un pays étranger à la base de cette tentative de coup d’État. Pourquoi y aurait-il toujours un pays étranger derrière toute tentative qui pourrait déstabiliser leur régime ? Pourquoi ne comprennent-ils pas eux-mêmes que la majorité des Maliens qui se tait n’est pas en phase avec ces autorités ? Et qu’au sein même de leurs rangs, il y a des gens qui ne partagent pas leur façon de diriger ? »
« Nul Malien ne peut rester insensible et inactif »
Konimba Sidibé, président du Mouvement pour un destin commun (Modec), voit cette tentative de coup d’État comme « annonciatrice d’une crise ». Ancien ministre et membre fondateur du M5, le mouvement dont est issu l’actuel Premier ministre, il a été suspendu le mois dernier du bureau stratégique du parti en raison de désaccords avec Choguel Maïga. « Je condamne cette tentative de déstabilisation avec la dernière vigueur, mais elle dénote des malaises profonds, porteurs d’une crise politique tout aussi profonde, dans le pays », Konimba Sidibé.
« J’exhorte la classe politique malienne d’aller à la rencontre immédiate du président de la transition pour examiner en profondeur la situation et identifier les nécessaires et utiles actions à envisager pour juguler la crise qui se profile et préserver le Mali, les Maliennes et les Maliens de conséquences hautement dommageables. C’est un devoir hautement patriotique », conclut-il