Le débat sur la transition est malheureusement caractérisé par l’ennui , la violence verbale et les procès d’intention. Nous devons pourtant y sortir pour le bien de la transition en cours qui ne doit pas échouer et pour aussi le bien du pays qui est à la recherche du temps perdu.
Certains politiques et acteurs de la société civile plaignent la mauvaise foi des autorités de la transition, du Président de la transition, ce qui est un mauvais procès tant l’initiative du dialogue n’incombe pas au gouvernement tout entier encore moins au Président du CNRD, tout seul. Bien que la charte de la transition dispose que la durée de la transition est fixée de commun accord par le CNRD et les forces vives, elle ne donne aucun format à un tel cadre de dialogue. L’aporie à laquelle conduit le débat actuel sur la transition crée une certaine confusion sémantique entre << le cadre de concertation >> proposée par le gouvernement et le << cadre de dialogue >> auquel appellent certains politiques et acteurs de la société civile. Il est établi que la concertation et le dialogue ne se valent pas . Les deux cadres ne peuvent être que des compléments.
Certains acteurs politiques et de de la société civile en appelant au dialogue dictent des conditions irréalistes et imposent leurs visions du dialogue aux autres. Pourtant , le dialogue suppose le compromis, l’ouverture et la concession. On ne peut pas appeler au dialogue en campant sur certaines positions et lignes. Les conditions comme celles-là :<< Il faut libérer les prisonniers politiques >>, << Il faut retourner à Sidya ou à Cellou leurs domiciles confisqués >>, etc., sont inacceptables . Ceux qui les posent comme préalables au dialogue pourraient simplement appeler au respect de la loi , de l’indépendance de la justice, du principe de la présomption d’innocence et du droit des justiciables au procès équitable. Aussi , il est à plaindre que ceux qui appellent au dialogue n’appellent qu’au dialogue sans rien proposer : ni du format, ni du mandat, ni des principes, ni des valeurs.
Pour ma part , on ne peut pas appeler au dialogue en appelant par la même à la rue . Soit on appelle à la rue , alors on n’est pas candidat au dialogue. Soit on appelle au dialogue et alors on le fait avec instance constante.
Je crois au dialogue et ne répondrai jamais à l’appel à la rue . Je souhaite que le dialogue national réussisse et que la transition tienne ses promesses. Comme je ne peux y contribuer que par les idées, alors , à travers cet article , je m’efforce d’énoncer certains principes dont la prise en compte permettrait de relancer le dialogue national auquel tant d’acteurs appellent de leurs vœux . Ces principes portent sur le format du cadre de dialogue , son mandat, de sa souveraineté, de ses instances , des règles de bonne conduite devant y être observées.
Principe 1: Du format du cadre de dialogue
Le cadre de concertation ne permettra pas de créer un consensus fort sur la durée de la transition et de son contenu . La concertation pourra porter sur des sujets éparses et les avis des acteurs ne pourraient s’imposer aux autorités qui les demandent . Il faut donc créer un cadre de dialogue inclusif et souverain.
Le format du cadre de dialogue à instituer ne doit pas être l’émanation dune seule entité. Il doit être la résultante d’une décision améliorée par l’échange et concertée. Alors , le cadre de concertation en vigueur pourrait servir de cadre de définition du format du dialogue national inclusif et souverain à instituer. Il n’est pas question de relancer le cadre de concertation en vigueur et mal de résultats, mais de son utilisation pour définir de façon.
Principe 2 : Du mandat du cadre de dialogue
Le cadre de dialogue doit être une assise entre le CNRD et les forces vives en vue d’un consensus sur la durée de la transition. Son objectif principal est d’adopter de façon consensuelle une vision nationale sur le contenu et la durée de la transition. Le dialogue doit aussi aboutir à : la définition de la loi électorale et du découpage électoral, la définition de l’organe devant organiser les prochaines élections, la définition des réformes essentielles à tenir pendant la transition pour le retour à l’ordre constitutionnel , la définition du mécanisme de suivi de la mise en œuvre des résolutions du dialogue national.
Principe 3 : De la souveraineté du cadre du dialogue
Le dialogue national doit être souverain ; les problèmes guinéens requièrent des solutions guinéennes non celles importées . Le cadre de dialogue doit être compétent pour : adopter son ordre de jour, veiller à la représentativité des acteurs, mettre en place l’organisation qu’il jugera efficace, définir la durée de la transition, mettre en place les commissions indépendantes avec des mandats spécifiques.
Principe 4 : Des organes du cadre de dialogue
Pour que le cadre de dialogue produise des résultats escomptés , il faudra aussi les acteurs se mettent d’accord sur ses organes délibérants. Il pourrait être composé d’une assemblée plénière, d’un présidium, des commissions thématiques et d’une commission ad hoc.
L’assemblée plénière est l’instance qui rassemblera tous les participants au dialogue : les membres du CNRD ou ses représentants pouvant être civiles , les représentants des forces vives, le facilitateurs, et d’autres acteurs comme les membres du G5. Cette instance élabore le règlement intérieur et adopte les synthèses des travaux.
Le présidium quant à lui est l’instance de direction des débats et des travaux. Il doit avoir à sa tête un président avec des vice-présidents . Quant aux commissions thématiques, ce sont des instances chargées d’examiner les sujets posés par le cadre de dialogue et ses acteurs. Les commissions ad hoc peuvent être instituées par le présidium pour fournir un soutien et une expertise aux participants et aux commissions thématiques . Ces commissions ad hoc peuvent être composées des membres externes au cadre de dialogue.
Principe 5 : De la prise de décision
Les décisions des commissions thématiques ou de l’assemblée plénière doivent être adoptées de façon consensuelle . Mais le consensus pourrait bien être un vœu pieux qu’il deviendrait difficile à atteindre. A défaut du consensus , il faudrait que le cadre de dialogue définisse un seuil d’adoption des décisions, cela éviterait tout blocage et les pertes de temps.
Tous les participants au dialogue ne doivent pas avoir des droits de votes , certains n’y ont que le statut de membres visiteurs par conséquent ils ne doivent pas interférer dans la prise de décision.
Principe 6 : Des règles de bonne conduite et du régime de sanctions
Les participants au dialogue national inclusif et souverain doivent observer un certain nombre de règles de bonne conduite . Ils doivent participer de bonne foi aux assises du dialogue. Ils doivent respecter l’opinion des autres participants et éviter à tenir des propos injurieux, irrespectueux, diffamatoires et même agressifs. Un régime de sanction doit être adopté contre les actes de perturbations ou d’obstruction à la réussite du dialogue.
Principe 7 :De la commission de suivi de l’application des résolutions du dialogue
Les participants au dialogue doivent tirer des leçons du passé ; bien souvent les résolutions adoptées au cours d’un dialogue ne sont pas suivies et appliquées. Il serait intelligent d’envisager la constitution d’une commission de suivi de l’application des résolutions du dialogue national , inclusif et souverain à instituer.
Ibrahima SANOH