De nouvelles sanctions américaines contre des entités et des individus en Afrique subsaharienne. Il s’agit notamment de lutter contre des transactions illégales sur l’or en Centrafrique au profit du groupe Wagner.
La première entité citée est Midas Ressources. Elle est immatriculée en Centrafrique, mais appartient à Incomad (Investment Corporation Madagascar), fondée en 2019 sur la Grande Île où Evgueni Prigojine possède une coentreprise minière avec une compagnie étatique.
Midas Ressources était d’ailleurs représentée par un citoyen malgache lorsqu’elle a obtenu, à la fin 2019, le permis d’exploitation de la mine d’or de Ndassima, considérée comme la plus prometteuse du pays. Un permis qui était jusque-là détenu par les Canadiens d’Axmin, qui n’avaient jamais pu exploiter le site en raison de l’insécurité. Depuis, Midas Ressources, sous la protection des mercenaires de Wagner, a largement développé ce gisement en utilisant les chaînes d’approvisionnement de matériel et les capacités d’exportation d’autres sociétés liées à Evgueni Prigojine.
Selon une enquête de l’agence Bloomberg publiée mardi sur la base d’images satellites, Ndassima pourrait désormais produire plus de quatre tonnes d’or chaque année, soit une valeur d’environ 290 millions de dollars. Une activité qui échappe à toute taxe et à tout contrôle de l’État centrafricain.
Il en est de même pour une autre entreprise visée par le Trésor américain : Diamville qui exporte, selon plusieurs enquêtes, des diamants centrafricains en contournant les certifications internationales liées au processus de Kimberley, notamment à l’aide de certificats camerounais. Diamville, comme Midas Ressources, ont aussi été sanctionnées par l’Union européenne fin février.
Pour Lou Osborne, du collectif All Eyes on Wagner, qui a participé à plusieurs enquêtes sur les activités de Midas ressources et de Diamville en Centrafrique, rappelle que les sanctions OFAC (Office of Foreign Assets Control), du Trésor américain, sont surtout un message politique envoyé aux États, compagnies et personnes qui collaborent ou seraient tentés de le faire avec des entités liées avec Evgueni Prigojine.
« Évidemment, les sanctions sont toujours très politiques et l’effet que ça peut avoir, ce n’est pas toujours à 100%. Ce qu’il faut rappeler, c’est que Midas, c’est une société impliquée dans l’extraction minière. Ça demande d’obtenir des équipements pour faire ça. Ça demande des engagements financiers avec des banques. L’idée, c’est aussi d’arriver à dissuader non seulement les gens qui rejoindraient le projet de leur montrer : « voilà si vous allez travailler là-dedans, ça peut être problématique ». Mais c’est aussi de dissuader l’ensemble de l’écosystème qui participe au bon fonctionnement de cette société-là. Il y a peut-être des équipements que maintenant, ils ne vont plus pouvoir acheter parce qu’ils ne sont peut-être vendus que par des fournisseurs européens, japonais, américains, donc là ça leur est barré dans le cas », explique Lou Osborne.
Quand on regarde la construction de l’ensemble des contrats qui ont été négociés par Wagner avec le gouvernement centrafricain sur les différentes activités, c’est des contrats où le gouvernement est perdant, où il y a des termes commerciaux négociés qu’on ne verrait pas. D’ailleurs, on ne les a pas vus dans des contrats similaires chez d’autres compétiteurs. On est réellement dans cette idée de prédation économique. Et ce qu’on sait aussi, c’est qu’après sur les sites sur lesquels le groupe Wagner est actif, donc par exemple la Mine, c’est très compliqué pour les autorités centrafricaines d’y accéder. À partir du moment où Wagner est présent dessus, ils perdent le contrôle totalement de qui est sur place…
Lou Osborne, du collectif All Eyes on Wagner: «Les contrats négociés par Wagner avec le gouvernement centrafricain sur les différentes activités, c’est des contrats où le gouvernement est perdant»
Les deux autres entreprises sanctionnées se trouvent en Russie (Limited Liability Company DM) et à Dubaï (Industrial Resources General Trading) et servent à transformer les marchandises en dollars. La métropole des Émirats arabes unis apparaît de plus en plus comme la plaque tournante du blanchiment de l’or et des diamants centrafricains.
Les États-Unis n’oublient pas non plus l’implication de Wagner au Mali. Les avoirs d’Andreï Nikolaïevich Ivanov sont gelés, pointe le correspondant de rfi.fr à Washington, Guillaume Naudin. Ce proche de Prigojine, via la société Africa Politology, est accusé d’être impliqué dans du trafic d’armes et, là encore, des opérations minières avec de hauts responsables gouvernementaux maliens. Il est aussi interdit d’entrée sur le territoire américain.
Quelle efficacité pour ces sanctions ?
Ces sanctions servent de message adressé aux États, entreprises et personnes qui commercent avec le groupe Wagner et qui sont susceptibles d’être visées à leur tour, mais se pose la question de l’efficacité des sanctions. Le Trésor a visé, dès 2020, la société Lobaye Invest, qui contrôle des mines et des forêts en Centrafrique. Mais cela n’a pas empêché le développement de l’activité commerciale de la nébuleuse Prigojine dans le pays, ni la constitution d’un hub logistique au port de Douala, au Cameroun.
Souvent, les sociétés écrans de Wagner, visées par les États-Unis ou les Européens, sont remplacées par de nouvelles entreprises, comme démontré récemment dans le cas de Bois Rouge. Cet exploitant forestier et exportateur de grumes est devenu Wood International Group, après la parution d’une enquête d’un consortium international
Rfi.fr