G20: le bilan en demi-teinte du sommet de New Delhi

Le rideau est retombé sur le sommet du G20 à New Delhi sur un bilan mitigé. Les dirigeants du G20, réunis en Inde, ont fait samedi un geste pour l’Afrique invitée à intégrer leur club, mais échoué à s’entendre pour dénoncer une agression russe en Ukraine ou pour appeler à sortir des énergies fossiles. La déclaration finale du G20 adoptée hier à New Delhi est critiquée de toute part.

Dès l’ouverture du sommet, le groupe des 20 nations les plus riches de la planète a accueilli officiellement dans ses rangs samedi l’Union africaine (UA), un signal fort pour l’Afrique et une victoire diplomatique pour l’Inde, hôte cette année du sommet, qui s’affiche comme leader des pays du Sud.

Le G20 s’est attiré un concert de réactions positives en Afrique en annonçant l’intégration de l’Union africaine, qui compte 55 membres (dont six suspendus) et totalise trois mille milliards de dollars de PIB. Le continent n’était jusque-là représenté au G20 que par un seul État, l’Afrique du Sud.

Le président du Conseil européen Charles Michel y a vu un « important symbole d’inclusivité » et une « étape majeure pour le G20, pour l’Afrique, mais ce n’est pas la dernière étape ». Des voix se sont déjà élevées pour renforcer la représentation du continent africain au sein de certaines autres grandes instances internationales, comme le Conseil de sécurité de l’ONU.

Sur l’Ukraine, la déception de Kiev

Le Premier ministre indien Narendra Modi a également réussi à faire adopter samedi une déclaration finale aux participants du sommet. Mais trouver un consensus au sein du G20, dont les pays sont très divisés sur la position à adopter face à la guerre en Ukraine et pour répondre au changement climatique, a nécessité des concessions.

Concernant l’Ukraine, si la déclaration finale dénonce ainsi l’« emploi de la force » visant à obtenir des gains territoriaux, le texte ne fait pas mention explicitement d’une « agression » russe en Ukraine, expression pourtant utilisée en 2022 lors du précédent sommet du G20 à Bali dans une référence à une résolution du Conseil de sécurité qui avait déploré « dans les termes les plus vifs l’agression commise par la Fédération de Russie contre l’Ukraine ».

A la place, tous les membres rappellent leurs positions prises à l’ONU, ainsi que l’obligation de respecter l’intégrité territoriale des pays, et celle de ne pas utiliser la menace d’attaque nucléaire contre un autre. Ce qui, pour les pays occidentaux, permet de dénoncer implicitement les abus de la Russie et d’empêcher de légitimer son agression, précise notre correspondant à New Delhi, Sébastien Farcis. Ceci tout en permettant un consensus avec Moscou, et donc de signer ensemble cette déclaration de Delhi. Un paragraphe a également été rajouté dans cette partie, qui évoque les terribles souffrances et les effets néfastes causés par tous les conflits dans le monde entier – un point important pour les pays du sud, qui cherchent à rappeler que la guerre en Ukraine n’est qu’un des nombreux conflits que connait le monde.

New Delhi a certainement pu jouer de ses relations privilégiées avec Moscou autant qu’avec les Etats Unis et la France pour mettre d’accord un groupe divisé. Avec, in fine, un intérêt personnel pour Narendra Modi: montrer qu’il peut servir de guru du monde, comme il aime se faire appeler en inde, et rehausser son aura à sept mois des élections législatives.

« En ce qui concerne l’agression de la Russie contre l’Ukraine, le G20 n’a pas de quoi être fier », a critiqué le porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères, Oleg Nikolenko.

Climat : encore des déclarations de bonnes intentions

À trois mois de la cop 28 qui se tiendra à Dubaï, les ONG espéraient une impulsion du G20. Elles en attendaient davantage du club des principaux émetteurs de carbone. Le G20, c’est 80% des émissions mondiales. Ce sont aussi les plus gros consommateurs d’hydrocarbures et parmi eux, quelques très gros producteurs de pétrole et de gaz, comme l’Arabie Saoudite, la Russie, la Chine. Des pays qui refusent pour le moment d’envisager la fin des énergies fossiles.

L’engagement à sortir du charbon apparait dans la déclaration finale et c’est en revanche une réelle avancée, même s’il n’y a pas de calendrier précis. Chaque pays est libre d’aller à son rythme. Le triplement de la capacité en énergies renouvelables d’ici 2030 est l’autre point positif de la déclaration finale. Cela pourrait faciliter un accord contraignant sur le sujet lors de la cop 28 qui aura lieu dans trois mois à Dubaï.

L’Inde déplore enfin les promesses non tenues par les pays riches, c’est-à-dire l’octroi d’une enveloppe annuelle de 100 milliards de dollars promis aux pays les plus vulnérables pour financer l’adaptation au changement climatique.

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Car les pays en développement sont en première ligne face aux événements météorologiques extrêmes liés au changement climatique, comme face à l’insécurité alimentaire que nourrit la guerre en Ukraine en pesant sur les prix des céréales. Ils ont aussi averti que les investissements et le financement de la lutte contre le changement climatique devaient « augmenter de manière substantielle » pour aider les pays en développement à effectuer la transition verte.

Les engagements du G20 sur le climat restent trop tièdes aux yeux des ONG engagées dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Ils regrettent l’absence d’engagement sur la fin des énergies fossiles. « C’est un terrible message envoyé au monde, en particulier aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables, qui souffrent le plus du changement climatique », a déploré Friederike Roder, vice-présidente de l’ONG Global Citizen.

Ce dimanche matin, Narendra Modi a convié tous ses hôtes à se recueillir au Rajgat, le mémorial de Gandhi, là où il a été incinéré. Puis se tiendra une session plénière pour parler du futur : c’est le troisième volet du tryptique, Earth Family and Future développé par la présidence indienne. Le président Macron aura ensuite un entretien en bilatéral avec son homologue brésilien Lula, puis il est invité à déjeuner par le Premier ministre indien.

(et avec AFP