La COP28 s’ouvre ce jeudi à Dubaï, aux Émirats arabes unis. 197 États sont réunis pendant deux semaines sous l’égide de l’ONU pour essayer de faire avancer les négociations pour lutter contre le changement climatique et ses conséquences. Cette année, le contexte géopolitique est tendu, alors même que les catastrophes climatiques frappent tous les continents.
Il est urgent de s’entendre, mais avec les guerres en Ukraine et à Gaza, l’ONU traverse une crise de crédibilité qui peut se propager aux négociations environnementales, selon Sébastien Treyer, directeur de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) : « Le Conseil de sécurité et les agences de l’ONU n’arrivent pas à se faire entendre dans le conflit à Gaza. Le multilatéralisme est extrêmement impuissant en ce moment. »
Au-delà, il note aussi l’augmentation des tensions entre les États, en leur sein, et surtout entre grands blocs. Les passerelles sont de moins en moins nombreuses. « On a l’impression que l’on est bloc contre bloc. Ça crée une ambiance autour de la COP qui fait que cela s’annonce particulièrement difficile. Ce que j’espère que l’on va réussir à éviter, c’est de rejouer une opposition Ouest contre le Sud qui soit complètement paralysante. Si on n’arrive pas à un résultat, le blâme sera sur les pays du Nord. »
Il estime que le sujet du changement climatique a le potentiel pour renouer la confiance. À condition que les pays riches tiennent enfin leurs promesses d’aide envers les pays vulnérables : qu’ils acceptent de payer pour les émissions de gaz à effet de serre dont ils sont responsables.
La question des énergies fossiles
La sortie des énergies fossiles sera l’un des autres grands enjeux de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Les Émirats arabes unis, hôtes de la réunion et septième plus grand producteur de pétrole du monde, défendent la vision d’un avenir bas-carbone compatible avec le maintien d’énergies fossiles, partagée par d’autres grands pays producteurs de pétrole et de gaz. Face aux pays réclamant prioritairement l’abandon progressif du charbon et des hydrocarbures, ils préconisent de s’en remettre à la technologie pour améliorer la capture et le stockage de carbone.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a mis les pieds dans le plat avant la réunion en estimant que s’en remettre à la captation de carbone était une « illusion » et que le secteur des énergies fossiles devait choisir entre l’aggravation de la crise climatique et le basculement vers le renouvelable. Ce rapport a provoqué la colère de l’Opep, qui a accusé l’AIE, une organisation proche des Occidentaux, de calomnier les producteurs de pétrole. « C’est un cadre extrêmement étroit pour les défis qui nous attendent, qui minimise peut-être rapidement des questions telles que la sécurité énergétique, l’accès à l’énergie et son caractère abordable », a estimé l’Organisation des pays exportateurs de pétrole.
Un président de la COP critiqué
Juste avant la COP28, le président émirien de la COP, Sultan Al-Jaber, a été accusé d’avoir voulu user de sa position pour promouvoir des projets pétroliers et énergétiques des Émirats dans plusieurs pays. Critiqué depuis des mois par des ONG et des parlementaires occidentaux pour sa double casquette de patron de la COP28 et de la compagnie pétrolière nationale Adnoc, Sultan Al Jaber défend une ligne qu’il qualifie de réaliste, se voulant un pont entre le Golfe et les pays qui réclament la sortie rapide du pétrole.
Mais les nombreux documents révélés lundi par le Centre for Climate Reporting et la BBC confortent ses détracteurs. Ils ont été transmis par un « lanceur d’alerte » et montrent que des briefings préparés pour Sultan Al Jaber avant des réunions avec des représentants de gouvernements étrangers contenaient systématiquement des points clés sur les deux sociétés qu’il dirige, Adnoc et la société d’énergies renouvelables Masdar. Ces briefings ont concerné des réunions avec près de 30 pays, selon ces documents.
« Ces allégations sont fausses, incorrectes, inexactes », a déclaré Sultan Al-Jaber à Dubaï, interrogé par des journalistes à Dubaï lors d’un événement sur le site de la COP28 à la veille de son ouverture.
Un pétrole émirien pourtant plébiscité
La production et les réserves émiriennes sont convoitées. Les pays de la région Asie-Pacifique sont les premiers consommateurs : 98% des exportations émiriennes de pétrole leur sont destinées. Japon et Chine en tête. Et le continent connaissant une croissance économique, sa demande en pétrole est en hausse. Abou Dhabi a augmenté de 20% ses exportations de pétrole entre 2021 et 2022.
Mais la guerre en Ukraine a également renforcé l’intérêt des pays européens pour le Golfe. Les sanctions visant la Russie leur interdisent de s’alimenter, comme ils le faisaient jusque-là, auprès de Moscou. Il leur faut donc trouver des alternatives au gaz russe. L’Allemagne, qui importait près de la moitié de son gaz de Russie, a signé en septembre avec Abu Dhabi un accord sur la « sécurité énergétique ». Le groupe français TotalEnergies a lui signé un accord pour la production de gaz liquéfié avec son homologue émirien Adnoc pour 1 milliard de dollars pour trois ans. Des enjeux qui pèsent lourds face aux engagements environnementaux et aux considérations éthiques sur les droits de l’homme.
Faire de la COP28 un événement populaire
L’ambition pour les autorités est aussi d’en faire un événement populaire, écrit notre correspondant régional, Nicolas Keraudren. À Dubaï, les bus de la ville s’affichent – par exemple – depuis plusieurs jours aux couleurs vertes de la COP28. Les entreprises locales profitent aussi de l’occasion pour communiquer sur les panneaux publicitaires avec le logo de la conférence. Ce logo, au design sphérique, montre des images de personnes, d’animaux comme le dromadaire ou encore de panneaux solaires.
En plus des 100 000 délégués accrédités, environ 400 000 personnes du grand public pourraient aussi participer à cet évènement selon les organisateurs. Ils assisteront à des activités organisées en marge des négociations comme des concerts, des expositions ou encore des conférences. Pour cela, ils doivent réserver un ticket en ligne gratuitement. La COP28 se déroule sur le même site qui avait déjà accueilli l’exposition universelle organisée en 2021 par les Émirats arabes unis. Un rendez-vous qui avait officiellement rassemblé 24 millions de visiteurs sur six mois.