Tout le cerveau ne se dégrade pas à la même vitesse. Au contraire ! Ainsi la partie la plus récente de l’encéphale, qui nous différencie des autres primates, vieillit beaucoup plus vite que les autres zones du cerveau.
Le cerveau humain est plus grand que celui des autres primates, mais il est aussi plus sensible au vieillissement.
Ce qui nous rend humains est aussi ce qui nous rend plus vulnérables au vieillissement. Voici la conclusion d’une étude publiée le 28 août 2024 dans le journal Science Advances. Dans celle-ci, des chercheurs de l’Université Heinrich-Heine en Allemagne ont comparé le cerveau humain avec celui de son plus proche cousin encore en vie, le chimpanzé.
Et cela a confirmé ce que d’autres études avaient déjà montré : le lobe frontal (associé notamment au langage) était beaucoup plus développé chez nous que chez les autres primates. Ce travail a aussi montré que cette zone du cerveau, la plus récente dans l’évolution des êtres humains, est également celle qui vieillit le plus vite. Nous rendant plus vulnérables à des maladies neurodégénératives telles que les maladies d’Alzheimer et Parkinson.
Le vieillissement de cerveaux humains et de ceux des singes n’est pas le même
Car, évidemment, le cerveau des autres primates vieillit aussi. Comme celui des humains, avec l’âge, le leur perd aussi de la substance grise (qui forme le cortex du cerveau) à cause de la mort progressive des neurones qui la composent.
Mais ces réductions de la taille de la substance grise ne sont pas aussi prononcées que chez nous. Et, peut-être comme conséquence directe de cette dégradation accrue chez l’humain, la baisse cognitive liée à l’âge est plus faible chez les singes que chez les êtres humains.
Les zones qui vieillissent le plus vite sont différentes dans les deux espèces
Pour mieux comprendre ces différences, les chercheurs ont comparé des scans d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de 189 cerveaux de chimpanzés et 304 cerveaux humains (dont 150 femmes).
Pour éviter des biais à cause de l’âge (car les humains vivent plus longtemps que les chimpanzés), les cerveaux humains ont été comparés à ceux qui correspondaient au même âge chez les singes, en recalculant en fonction de différents taux de vieillissement dans chaque espèce. Ainsi, seulement les cerveaux des humains de moins de 58 ans ont été utilisés, ce qui correspondait à l’âge maximal des cerveaux des chimpanzés analysés (âgés de 50 ans).
La substance grise déclinait dans tout le cerveau humain et simien en fonction de l’âge, mais certaines zones étaient plus protégées que d’autres. Le lobe occipital, à l’arrière de la tête, est celui qui vieillit le moins rapidement, autant chez l’humain que chez le chimpanzé.
Mais la région qui vieillissait le plus vite n’était pas la même chez les deux espèces. Pour le singe, il s’agissait du corps strié (ou striatum), une structure sous le cortex impliquée dans le mouvement involontaire ou la motivation, entre autres. Alors que chez les humains, la dégradation était plus rapide dans le cortex frontal et préfrontal.
Les zones les plus récentes du cerveau humain sont aussi les plus vulnérables
Ces zones sont précisément celles qui différencient le plus les cerveaux des deux espèces. Par exemple, la région qui a grandi le plus chez les humains par rapport aux autres singes est le cortex orbitofrontal, dans le cortex préfrontal.
Cette région est essentielle dans la prise de décision et la cognition. En général, les résultats de cette étude montrent que plus une zone du cerveau a évolué récemment chez l’humain, plus elle est susceptible au vieillissement. Cette association est particulièrement forte dans le cortex orbitofrontal et le cortex insulaire, une région impliquée dans la conscience et l’empathie, entre autres fonctions.
De par ces fonctions, l’évolution de ces régions a été fondamentale dans l’émergence de notre espèce, nous donnant des capacités cognitives et sociales bien supérieures à celle de nos cousins simiens. En contrepartie, l’élargissement rapide de ces régions les a rendus plus vulnérables à la dégradation causée par l’âge, selon les auteurs. Car elles ont une densité neuronale plus basse que le reste du cerveau, c’est-à-dire qu’il y a moins de neurones, mais qui sont davantage connectées entre elles.
Les pertes neuronales liées à l’âge auraient donc un plus grand impact dans ces zones, expliquant leur dégradation accélérée. Et nous rendant en même temps plus susceptibles de développer des maladies neurodégénératives que les autres primates. Un mal pour un bien, en quelque sorte.
Science nature