L’analyse des barrissements des éléphants montre que ceux-ci sont spécifiques et personnalisés pour chaque individu, comparables à des prénoms. C’est le bouleversant résultat d’une étude menée par des chercheurs américains, parue dans la revue Nature, Selon Michael Pardo, écologue comportementaliste, la communication entre éléphants pourrait se révéler encore plus complexe vu la richesse de leurs interactions sociales et le rôle spécifique qu’à chaque individu dans un groupe d’éléphants.
L’écologue comportementaliste Michael Pardo et son équipe de l’université Cornell, à New York, ont d’abord enregistré pendant des dizaines d’années les barrissements de femelles éléphants sauvages dans plusieurs réserves du Kenya. Pour notre oreille humaine, ces barrissements ressemblent à des sons de trompette, mais ils sont en réalité bien plus riches et complexes, tous différents et spécifiques, incluant aussi des séquences d’ultrasons inaudibles pour nos tympans.
Pour analyser 469 de ces barrissements, les chercheurs ont fait appel à l’intelligence artificielle pour voir si un modèle informatique pourrait correctement prédire à qui ces barrissements s’adressent. L’IA a réussi à le prédire dans 27 % des cas, ce qui est considérable et ce qui suggère que chaque barrissement contient simultanément énormément d’informations : l’identité (le nom) de l’éléphant, son âge, son sexe, mais aussi son état émotionnel et le contexte comportemental. Les chercheurs ont ensuite fait écouter ces enregistrements aux éléphants concernés pour analyser leurs réactions. Les 17 éléphants testés ont tous réagi bruyamment et corporellement quand le message leur était adressé – quand ils étaient appelés par leur prénom, pourrait-on dire.
Capables de reconnaître différentes langues
Jusqu’à présent, à part les humains, on pensait que les seuls animaux capables de s’identifier les uns les autres et de s’interpeller étaient les dauphins et les perroquets. Ceux-ci se répondent en imitant le cri du chant, l’accentuation, la signature sonore de leurs congénères. Mais selon Michael Pardo, la communication entre éléphants pourrait se révéler encore plus complexe, vu la richesse de leurs interactions sociales et le rôle spécifique qu’a chaque individu dans un groupe d’éléphants.
De précédentes études avaient déjà montré que les éléphants africains étaient capables de faire la différence entre les différentes langues parlées par les humains, reconnaissant « à l’oreille » ceux qui les chassent et représentent un danger pour eux. Deux chercheuses de l’université d’Oxford, qui ont étudié en 2014 les éléphants du parc d’Amboseli au Kenya, ont remarqué que ceux-ci s’alertaient systématiquement quand ils entendaient un groupe d’hommes parler massaï. Ils ne réagissaient pas quand ces mêmes éléphants entendaient des femmes ou des enfants ou encore des cultivateurs parlant kamba. Car les cultivateurs kamba, contrairement aux Massaïs, n’ont jamais chassé les éléphants.
Enfin, de mémoire d’éléphant, et c’est justement ce que les chercheurs comme Michael Pardo et son équipe cherchent désormais à comprendre : comment les éléphants encodent-ils tant d’informations dans leurs barrissements ? Peut-être donnent-ils aussi des noms aux lieux par lesquels ils passent. Mais cela reste encore du domaine de la conversation privée entre éléphants.
rfi