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Guinée : Nous sommes tous des Foniké Menguè et des Billo Bah ! (Tierno Monénembo)

Il y a exactement cent jours ce jeudi 17 octobre, que nos deux compatriotes ont disparu. Cent jours pénibles ! Cent jours sans Foniké Mengué et Billo Bah !

Qui les a enlevés, que sont-ils devenus ? Nul ne le sait. A ce jour, aucun terroriste n’a publié une revendication, aucun gangster n’a réclamé une rançon. L’Etat, le suspect numéro 1 dans cette misérable affaire, garde le silence, un silence cynique et méprisant comme à son habitude : « Une enquête est en cours, a indiqué le premier ministre, vaguement gêné aux entournures… Si on les trouve, nous les montrerons ».

On le comprend, ce n’est pas facile de mener une enquête quand on est à la fois le juge et le criminel. Foniké Mengué et Billo Bah vivent encore peut-être mais dans un état physique tel que Mamadi Doumbouya n’ose pas pour le moment les présenter au peuple. Ou alors, ils sont morts sous la torture et dans ce cas bien sûr, la découverte de leur cadavre serait pour lui un flagrant aveu de culpabilité.

C’est la mortelle angoisse, dans leurs familles, c’est de nouveau la terreur dans nos demeures. Il flotte comme un air de restauration dans les rues de Conakry. Mamadi Doumbouya a mis en place tous les ingrédients qui rappellent le régime sanguinaire de Sékou Touré : on n’arrête de jour comme de nuit, on torture, on tue, on profère des discours hystériques ; on échafaude des monuments à la gloire du chef, on sort les enfants des écoles pour l’inciter à se porter candidat et donc, à violer les textes.

Le Ministre de l’Administration du Territoire détourne les moyens de l’administration et débauche son personnel pour distribuer à travers le pays les effigies de celui que nos éternels cireurs de pompes qualifient de « colonel bâtisseur » sans se laisser étouffer par la honte. Décidément, dans un pays qui se targue ne compter que des mélomanes, la douce musique de la démagogie est la plus populaire de toutes !

Ce qui est révoltant, c’est que Foniké Mengue et Billo ne sont ni les premiers ni les derniers. Ce qui est lassant, c’est la sempiternelle répétition de notre funeste histoire. Ce qui rend fou, c’est l’insondable capacité du Guinéen à supporter l’insupportable. Encore une fois, la Guinée laissera-t-elle dévorer deux de ses enfants, sans rien faire, sans rien dire ? Sommes-nous condamnés à disparaître un à un dans la gueule sans fond de la tyrannie ?

C’est terrible, le premier foutriquet qui arrive au pouvoir s’empresse de tuer nos enfants, de violer nos femmes, de dilapider nos richesses, de déclarer la guerre à nos ethnies, etc. Il est temps que cela s’arrête, Guinéens ! Maintenant, tout de suite. Nous sommes un peuple fier, pas un troupeau de moutons tout de même !

Tout le monde sait et Mamadi Doumbouya plus que les autres, que Foniké Mengué et Billo Bah n’ont rien fait, ils n’ont commis aucun crime, aucun délit. Ils n’ont fait que revendiquer pacifiquement les droits les plus élémentaires pour leur peuple, mandatés en cela par le FNDC, le représentant le plus légitime du peuple. Ils ne méritent pas de subir un sort aussi macabre. Leurs familles ne méritent pas de vivre une aussi cruelle incertitude. Le gouvernement doit s’expliquer.

S’ils sont morts, qu’on nous le dise ! S’ils vivent encore qu’on les libère sans délai et sans condition !  Cela, tous les Guinéens doivent l’exiger au-delà des clans et des chapelles politiques. Nous sommes tous des Foniké Mengué et des Billo Bah ! Aujourd’hui, c’est leur tour, demain, ce sera le nôtre. La tyrannie est notre affaire, à tous. Si nous ne lui réglons pas son compte, nous disparaîtrions un à un sous son rouleau compresseur.

C’est sérieux, Guinéens ! Agissons avant qu’il ne soit trop tard. Souvenons-nous de la célèbre mise en garde du pasteur allemand Martin Niemöller : « Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas Juif.  Puis, ils sont venus me chercher. Et il ne restait personne pour protester. »

Tierno Monénembo

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