Après le passage du cyclone Chido, Mayotte est dévasté. La catastrophe climatique la plus intense que l’archipel ait connue depuis 90 ans a non seulement causé des morts et détruit des habitations et infrastructures, mais c’est également toute la forêt et la nature qui est à terre. Au-delà de l’impact sur l’environnement, ceux qui dépendent de la nature en subissent déjà les conséquences. Car à Mayotte, la population vit majoritairement de l’agriculture en forêt.
Entre les grands arbres de la forêt tropicale, les familles cultivent de petites parcelles multi-strates : sous les manguiers et les cocotiers, poussent les bananiers et encore en dessous, le manioc. Ces systèmes agro-forestiers typiques sont appelés « jardins mahorais », « ils occupent 90 % de la surface agricole utile du territoire et alimentent l’île en fruits, légumes, racines et tubercules à hauteur de 80% des besoins de la population », selon le CIRAD, le Centre de recherche agronomique français.
Après le passage du cyclone, « manioc, bananes, fruits à pain, litchis… tout ce qui constitue le jardin mahorais est porté disparu », se désole Ali Ambodi, président du syndicat des éleveurs de Mayotte. « C’est la destruction totale de nos exploitations, ainsi que des pistes et de la voirie. On ne peut même pas accéder à nos exploitations. Nous sommes à terre ! Et cette disparition de notre nature nous rend malheureux parce que nous sommes liés. » La forêt nourricière est ravagée et la situation n’est pas près de s’améliorer selon l’agriculteur. « Ma profonde inquiétude, c’est le risque de famine, parce que l’équilibre de la population mahoraise, c’était la campagne. » En effet, si plus un pied n’est debout, il est non seulement difficile de récolter à manger, mais aussi de récupérer des semences pour replanter. Et quand bien même, il va falloir des mois, voire des années pour que les plantes repoussent.
Les aides que l’État promet, Ali Ambodi n’y croit pas. Les démarches sont toujours très lourdes, de véritables barrières administratives et surtout les paysans vont devoir prouver qu’ils sont propriétaires de la terre, or la majorité des Mahorais ne dispose pas des bons documents. « On va nous demander tel papier, puis tel autre, et encore un autre, et au final les paysans n’auront pas accès à ces aides. » Mayotte compte 15 000 exploitants agricoles.
Au-delà de la population, c’est toute la biodiversité qui est touchée. « Les forêts de Mayotte recèlent des trésors de biodiversité vulnérables et méconnus », selon l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature. Plus de 6 150 espèces marines et terrestres ont été recensées. Certaines sont endémiques : on ne les trouve nulle part ailleurs sur Terre, et plus de 380 sont protégées. C’est le cas de l’emblématique maki, le lémurien de Mayotte. Un primate qui vit lui aussi des fruits, des fleurs et des bourgeons qu’il trouve en forêt.
Or cette biodiversité rend de multiples services à la population de l’île. En plus d’apporter de la nourriture, la forêt est un véritable château d’eau, elle enrichit le sol et les racines, empêche l’érosion et les glissements de terrain et retiennent l’eau, limitant les inondations. Les forêts tropicales sont également d’importants puits de carbone et abritent les animaux essentiels à l’équilibre de la vie sur l’île. « La forêt sèche de l’île abrite le souïmanga de Mayotte qui est le principal pollinisateur de l’aloé de Mayotte, plante endémique de l’île, classée en danger d’extinction », explique ainsi l’UICN.
La forêt fait aussi partie des traditions et de la culture locale. « Dans la société mahoraise, les Patrosi et les Mugala, esprits venus d’ailleurs, sont les djinns les plus familiers. Ils se rapportent à la nature et proviennent de la forêt », rapporte également l’organisation environnementale.
Comment cette nature déjà fragile a-t-elle été touchée par le cyclone, alors qu’elle subit déjà depuis longtemps les activités humaines comme la déforestation ou la pollution ? On sait que des évènements climatiques extrêmes ont déjà causé l’extinction d’espèces (c’est le cas du crapaud doré au Costa Rica notamment). À Mayotte, il faudra attendre un suivi scientifique pour le savoir.
Rfi