Quelques questions à propos de la Loi L/2017/0056/AN du 8 décembre 2016 modifiant certaines dispositions de la loi L/2016/075/AN du 30 décembre 2016, portant gouvernance financière des sociétés et établissements publics en République de Guinée.
Au titre de l’article 16 (loi 056), les organismes publics sont dotés d’un Conseil d’administration qui détermine les orientations et veille à leur mise en œuvre. Il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de l’organisme et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent. Il peut procéder aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns.
Pour autant, suivant l’article 26 (loi 056), « Le Président du CA d’une société publique chargée de service public est nommé par décret pris en Conseil des ministres. Le décret de nomination est accompagné, en annexe, d’une lettre de mission fixant les grandes lignes du mandat du président du Conseil d’administration et les priorités de son action, définies par les ministres de tutelle ».
Ces deux dispositions appellent un commentaire.
PREMIEREMENT, existe-t-il une différence entre les « orientations de la société définies par le Conseil d’Administration » dans l’intérêt du bon fonctionnement de celle-ci (prévue à l’article 16 ) et les grandes lignes fixées par décret qui accompagnent la lettre de mission du président du Conseil d’administration (définie à l’article 26) ?
DEUXIEMEMENT, si les grandes lignes fixées par décret en vertu de l’article 26 ne valent que pour les sociétés « chargées de service public », la question qui se pose est celle de savoir si l’existence de ces grandes lignes annexées au décret de nomination du PCA rend inutile la définition postérieure, par le Conseil d’Administration, des orientations de la société.
Envisager une réponse affirmative laisserait supposer que le Conseil d’Administration n’aurait plus d’autres fonctions que de suivre la mise en œuvre de ces lignes définies par voie réglementaire ; ce qui serait non conforme au droit OHADA. Envisager une réponse affirmative sous-entendrait qu’il y aurait l’existence cumulative de deux orientations : celles définies par voie réglementaire (lignes) et celles définies par le CA.
Mais là encore, deux questions peuvent alors se poser : premièrement, s’agit-il vraiment de deux catégories juridiques distinctes ? Dans l’affirmative, les orientations définies de manière autonome par le Conseil d’Administration doivent-elles se soumettre à celles fixées d’autorité dans le décret de nomination du PCA ? L’intérêt de la question tient à l’article 24 (loi 056) ; disposition suivant laquelle « Le CA détermine, sous l’autorité de son Président, les grandes orientations et la stratégie de l’organisme public ».
En tout état de cause, les lignes définies par voie de décret semblent être une catégorie isolée. Car, d’une part, en vertu de l’article 25 de la loi 056, « Le PCA tient des réunions périodiques avec l’équipe de direction de l’organisme public afin de rappeler les orientations et de s’assurer de leur mise en œuvre ». D’autre part, suivant l’article 28, « Le DG assure la mise en œuvre concrète des orientations définies par le Conseil d’administration. Il assure la bonne marche de l’organisme dans le cadre des statuts de celui-ci ».
Le fait que le législateur ne fasse aucune autre référence au suivi par le Président du Conseil d’administration de la mise en œuvre des « grandes lignes du mandat du PCA », mais uniquement des orientations définies de manière autonome par le Conseil d’Administration accrédite la validité de cette dernière. En-va-t-il de même pour la catégorie inconnue, « grandes lignes du mandat du président du Conseil d’administration » ? La réponse est incertaine.
Jean Paul KOTEMBEDOUNO
Docteur en droit public de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Avocat au Barreau de Guinée.