Home À LA UNE Protecteurs de la nature en Afrique: les «rangers» parlent de leur situation

Protecteurs de la nature en Afrique: les «rangers» parlent de leur situation

Alors que le monde veut protéger 30% des terres et des mers d’ici 2030 afin d’enrayer la destruction de la nature par les activités humaines, Questions d’environnement s’arrête ce jeudi sur la situation de celles et ceux qui protègent cette biodiversité sur le terrain en Afrique. Les gardes des parcs et réserves du continent affrontent de multiples dangers et cela affecte leur santé mentale.

Ils sont plus nombreux à parler de leurs difficultés psychologiques. C’est sans doute un tabou qui se brise. À mesure que les politiques environnementales se renforcent, leur métier va devoir s’étendre. Les gardes qui protègent la nature en Afrique alertent donc sur le manque d’accompagnement psychologique dont ils souffrent face aux situations de stress extrême qu’ils ont à vivre.

À quels dangers font-ils face ? À celui de perdre la vie d’abord. Des groupes armés de toutes sortes – rebelles, jihadistes mais aussi braconniers ou mineurs illégaux – sont présents dans de nombreux parcs du continent. Alain Mukiranya est ranger dans le parc de la Maïko et il a longtemps travaillé dans celui des Virungas, deux aires protégées dans l’est de la RDC: « le métier de garde nature dans une zone en conflit c’est être en permanence sur la ligne de front parce qu’à tout moment cela peut crépiter, à tout moment on peut vous attaquer. Ça met les gardes dans une situation de crainte, une situation où on est prêt à s’affronter, à mourir, à tuer, à se défendre… »

Débriefer les événements traumatisants

Ces longs jours de marche en milieu hostile, toujours sur le qui-vive, tapent sur le moral des troupes. Et quand l’un des coéquipiers est atteint par les tirs d’un braconnier ou blessé par un animal sauvage, c’est très difficile à vivre.« Quand tu vois ton ami, ton collègue être tué devant toi, ça va créer en toi une forme de revanche… ça impacte le travail, et même la façon d’être et la santé des gardes », a-t-il confié à rfi.

D’après la Thin Green Line Foundation, qui soutient les familles de rangers tués, un garde nature meurt tous les trois jours dans le monde. Pour beaucoup en Afrique ou en Asie.

Que se passe-t-il alors pour les collègues de ces gardes morts sur le terrain ? Marqués psychologiquement par ce qu’ils ont vécu, ils sont la plupart du temps renvoyés chez eux se reposer quelques jours, mais c’est tout. Leurs émotions, leur stress post-traumatique, ne sont pas traités. Résultat : certains perdent pied. Angoisse, cauchemars… Certains réagissent mal sur le terrain ensuite, sombrent dans l’alcool, se mettent à consommer des drogues voire se suicident.

Pour stopper ces descentes aux enfers, les rangers africains demandent à être formés pas seulement physiquement, mais aussi psychologiquement à leur travail, et souhaitent à être accompagnés par des professionnels en cas de situation violente.

Supporter la défiance des siens

Il n’y a pas que cela qui pèse sur leur moral des gardes nature. L’isolement pendant de longues semaines parfois de longs mois, dans des conditions spartiates, en forêt par exemple, est difficile, tout comme le rejet qu’ils subissent de la part de leurs propres communautés. Les braconniers qu’ils arrêtent par exemple, ce sont souvent des habitants de leurs villages, explique Esther N’Dapanda N’Ghiunya, éco-garde dans le parc d’Etosha en Namibie. « Je dois oublier d’où je viens, pour m’assurer que la vie sauvage est protégée. C’est ok, c’est mon boulot. Mais à la fin de la journée, comment je gère le fait d’avoir arrêté l’un des miens ? Je vais finir négligée par ma propre famille, vue comme quelqu’un en qui on ne peut pas avoir confiance. Je deviens une méchante aux yeux de ma propre communauté ». Des moyens sont donc aussi nécessaires pour soutenir le travail de sensibilisation à la nature que réalisent les rangers auprès des populations locales

 

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