L’attachement des investisseurs à la stabilisation du régime juridique s’appliquant à leurs rapports contractuels avec les Etats d’accueil s’explique, en général, par la volonté de prévenir les risques politiques consistant principalement dans l’exposition des contrats conclus pour de longs termes à des changements de gouvernements et les réformes législatives s’en suivant. Des réformes et changement susceptibles de se révéler imprévisibles et, du même coup, de frustrer leurs attentes légitimes au moment de la décision d’investir.
La stabilisation de ce régime peut être opérée soit par un procédé contractuel soit par un procédé unilatéral. Dans le premier cas, elles sont insérées dans les conventions minières, dans le second, l’Etat lui même prend l’initiative de les prévoir par voie législative. Ce dernier aspect a tendance à se généraliser dans les législations minières des Etats d’Afrique de l’Ouest.
Les clauses de stabilisation peuvent avoir une portée large ou restreinte. Dans le premier cas, elles sont consacrées de manières indifférenciées et s’appliquent à toutes les questions relevant des rapports entre l’Etat et les investisseurs étrangers. Dans le second, elles portent sur tel ou tel domaine spécifique. Elles peuvent par exemple ne porter que sur la législation fiscale, douanière ou encore beaucoup plus spécifiquement, sur une forme précise d’impôts, mais aussi éventuellement prévoir les textes gelés.
À titre d’exemples, le Code minier ivoirien de 2014 consacre la stabilité, la garantie par l’Etat, du régime fiscal et douanier, au profit du titulaire d’un permis d’exploitation. Cette disposition n’indique pas de délai mais prévoit la faculté du titulaire du titre de solliciter le bénéfice d’un régime fiscale et douanier plus doux, à condition de l’accepter dans son intégralité.
Quant au code minier malien de 2012, il garantit la stabilité du régime fiscal aux titulaires des titres d’exploitation durant toute la période de validité desdits titres (pareil, dans le code de 2019 mutatis mutandis) .
Il en va de même pour le Code minier ghanéen qui consacre en son article 47, la faculté du ministre des mines de négocier avec le titulaire d’un titre minier dans le cadre d’une convention minière, la stabilisation des clauses fiscales, douanières et celles relatives au contrôle des changes, au transfert de capital et au versement de dividendes . La même possibilité est prévue par le code minier guinéen selon lequel « la convention minière … peut garantir au titulaire, la stabilité des conditions qui lui sont offertes, notamment au titre de la fiscalité et de la réglementation des changes ».
La lecture des deux dernières dispositions prévues par les codes miniers ghanéen et guinéen permet de faire un constat ; celui de la consécration d’une promesse de stabilisation susceptible d’être réalisée à l’issue de la négociation de la Convention minière.
On relève que certains textes promettent la stabilisation aux titulaires de titres miniers – promesse dont la réalisation est assujettie aux contours de la négociation de la convention minière. Alors que d’autres garantissent cette stabilisation indépendamment de la négociation devant suivre l’attribution des titres miniers.
Aussi, le Code minier mauritanien prévoit que « l’Etat garantit la stabilité des conditions juridiques, fiscales, douanières et environnementales attachées aux permis de recherche et d’exploitation et à l’autorisation de carrière industrielle tel que ces conditions découlent de la présente loi et à cette fin, signe, avec le titulaire une convention minière » . On peut considérer qu’à la différence des autres dispositions, cette dernière constitue une promesse ferme de stabilisation ; non plus simplement une offre qui implique l’acceptation dans les instruments conventionnels.
Quant à l’article 182 du Code minier guinéen, il garantit la stabilisation du régime fiscal et douanier aux titulaires de permis d’exploitation ou bénéficiaires d’une convention ou d’une concession minière. Ce code prévoit, contrairement à d’autres législations consacrant la stabilisation de ces régimes durant toute la période de validité des conventions minières ou du titre minier, qu’en aucun cas, la période de stabilisation du régime fiscal et douanier ne saurait excéder dix (10) ans pour le permis d’exploitation et dix (10) ans également pour la concession minière avec pour cette dernière, la possibilité d’une extension de cinq (5) ans contre une prime annuelle de stabilisation à définir avec l’investisseur.
Cependant, il convient de relever qu’après l’adoption de ce code minier en 2011, on est passé, deux ans plus tard, avec la révision du code minier, à 15 ans. Outre l’extension de la période de stabilisation, une détermination précise des objets stabilisés va être opérée. Cette disposition exclut de la stabilisation, d’autres impôts. C’est ainsi que « sont notamment expressément exclus de la stabilisation, les taux des droits fixes, des redevances annuelles et des redevances superficiaires visés aux articles 159-à et 160 du présent Code ainsi que des droits d’accises et taxes environnementales. A l’exception de la taxe sur l’extraction ou sur la production et de la taxe à l’exportation, la stabilisation ne couvre pas l’assiette des impôts, droits et taxes » .
AXES DE RÉFLEXION (QUELQUES QUESTIONS DE FOND)
1. Faut-il considérer la limitation de la période de stabilisation en deçà de celle de la validité du titre minier comme plus efficace que le procédé des législations prévoyant la stabilisation durant toute la période de validité du titre ? Relevons que, constamment, la politique fiscale doit trouver un équilibre entre deux exigences consistant à encourager les investissements et à procurer à l’Etat les gains importants en cas de haute conjoncture tout en limitant les pertes en cas de basse conjoncture (Leben Ch., JDI 1986, p. 931). Au surplus, classiquement, la souveraineté permanente des peuples sur leurs ressources naturelles doit s’exercer dans l’intérêt du développement national et du bien-être de la population de l’Etat intéressé (Rés.1803 du 14 décembre 1962 (XVII ; ELIAN Georges., RCADI 1976-I, vol. 149, p. 48).
2. De même, l’absence de clauses de renégociation dans ces contrats miniers ne devrait-elle pas être considérée comme compensée par le caractère temporellement limité de la période de stabilisation ? N’est-ce pas, au surplus, un procédé efficace de conciliation des clauses de stabilisation (auxquelles les investisseurs tiennent) et le pouvoir de règlementer de l’Etat ? Enfin, sachant que les projets miniers durent longtemps et étant entendu que les Etats n’ont aucun intérêt à demander la cessation des activités minières au seul motif de la durée des investissements, ne peut-on pas considérer que la limitation raisonnable de la période de la stabilisation a substantiellement le même effet qu’une clause de renégociation ?
3. Compte tenu des conséquences juridiques y compris contentieuses s’attachant à l’existence dans les conventions minières, des clauses de stabilisation, la négociation de clauses portant spécifiquement sur tel ou tel domaine n’est- elle pas plus efficace que la généralisation de la stabilisation ?
En tout état de cause, soit l’objectif c’est l’attraction maximale des investissements, et dans ce cas, l’efficacité des hypothèses initiales est négative, soit c’est la conciliation du pouvoir de règlementer de l’Etat dans l’intérêt des populations et des garanties à accorder aux investisseurs, et dans ce dernier cas, l’efficacité est possible.
Jean Paul KOTEMBEDOUNO
Docteur en droit public de l’Université Paris 1 Panthéon -Sorbonne