L’une des principales difficultés du projet d’exploitation Simandou (decoulant du vaste programme Simandou 2040), réside dans la possibilité pour les travailleurs guinéens de prendre en charge les fonctions techniques et stratégiques du projet.
De nos jours, l’insuffisance de spécialisation des ressources humaines locales oblige souvent les entreprises minières à effectuer des recrutements massifs à l’étranger, ce qui restreint les retombées économiques locales.
Afin d’éviter cette dépendance, il est important de mettre en œuvre des programmes de reconversion professionnelle afin d’accompagner la transition des employés provenant de secteurs traditionnels vers les nouvelles exigences du monde du travail.
Notre objectif est donc, à travers cette réflexion, d’examiner l’importance de la gestion du capital humain et des processus de reconversion professionnelle dans le cadre du projet Simandou, dans le but d’assurer une intégration locale réussie et de prévenir les tensions sociales associées à cet ambitieux programme de développement socio-économique de la Guinée.
1. Les attentes des populations locales
La mise en place d’un tel projet d’envergure fait naître des espoirs légitimes chez les populations locales, qui souhaitent améliorer leurs conditions de vie par l’accès à l’emploi et aux avantages économiques. Mais le projet est complexe et nécessite des compétences particulières que ces communautés ne possèdent pas toujours.
Devant ce décalage, il est possible d’éveiller rapidement des tensions, qui se traduisent par des revendications parfois radicales, des blocages de chantiers, voire des conflits ouverts entre populations, entreprises et gouvernements. L’absence de solutions adaptées ralentira le projet et ternir son acceptabilité sociale, ce qui peut être une source probable de conflit.
La principale source de conflit est que, bien que les populations locales souhaitent être prioritaires dans les recrutements, elles ne possèdent pas les compétences nécessaires pour travailler dans ces entreprises qui sont, elles, dominées par leur logique marchande (réaliser des bénéfices en respectant des standards et des normes imposés). Cette situation suscite un sentiment d’injustice, d’autant plus accentué que des travailleurs étrangers ou venus d’autres régions du pays bénéficient d’une avantageuse situation.
2. Simandou 2040 : une révolution du marché du travail en Guinée
En l’état, la faible spécialisation des ressources humaines locales contraint souvent les entreprises minières à recruter massivement à l’étranger, limitant les retombées économiques locales.
Pour éviter cette dépendance, il convient de mettre en place des programmes de reconversion professionnelle afin d’accompagner la transition des travailleurs issus de secteurs traditionnels vers les nouvelles exigences du projet.
Ces dynamiques de reconversion doivent cibler plusieurs catégories de travailleurs, notamment: (i) les jeunes diplômés, pour qu’ils acquièrent des compétences spécifiques aux métiers du ferroviaire, de la métallurgie et de la maintenance industrielle; (ii) les travailleurs du secteur informel à travers l’intégration des programmes de formation qualifiante leur permettant d’adapter leurs activités aux nouvelles exigences du monde du travail et de se diversifier à travers des secteurs d’activités industrielles; (iii) les employés des entreprises locales , qui peuvent aussi bénéficier d’un renforcement de capacités pour s’adapter aux nouvelles exigences du projet et participer à la chaîne d’approvisionnement de Simandou.
3. Stratégies de gestion des compétences et de prévention des conflits dans le cadre du programme Simandou 2040
Pour concilier les attentes des populations locales et les exigences du projet, une approche intégrée de formation, de reconversion et d’insertion professionnelle doit être mise en place. Pour y parvenir, il faut :
a) Mise en place d’un programme de formation accélérée pour les populations locales :
L’État et les entreprises impliquées doivent investir dans des centres de formation locaux qui proposent des cursus adaptés aux besoins immédiats du projet (extraction minière, maintenance ferroviaire, conduite d’engins, sécurité industrielle etc…). Des programmes de formation accélérée de 3 à 6 mois vont permettre à de nombreux jeunes d’acquérir les compétences minimales nécessaires pour intégrer les équipes du projet.
b) La création d’un quota progressif d’emplois locaux :
Une politique de recrutement graduelle doit être instaurée, avec un objectif initial de 30 % de travailleurs locaux sur les postes non qualifiés, évoluant vers 50 % à mesure que la formation des populations locales progresse. Ce serait une excellente manière de trouver solution à la problématique que l’emploi dans les zones impliquées dans le projet.
c) Intégration de la main-d’œuvre locale dans les activités connexes :
Au-delà des métiers techniques, le projet minier de Simandou génère des opportunités dans des secteurs annexes : restauration, transport, commerce, logistique, agriculture etc. Il faut ainsi encourager l’entrepreneuriat local en créant des coopératives et en soutenant les PME locales dans le but d’intégrer économiquement les populations sans exiger d’eux des compétences hautement spécialisées.
d) Médiation sociale et sensibilisation des populations :
Un dialogue constant entre les parties prenantes est important pour éviter les incompréhensions et désamorcer les tensions. La mise en place de comités de médiation associant représentants des communautés locales, entreprises et autorités publiques va permettre d’anticiper les conflits et d’assurer une communication transparente sur les exigences du projet et les efforts de formation déployés.
En somme, le succès du projet minier de Simandou ne repose pas uniquement sur les infrastructures et les investissements financiers, mais aussi sur la capacité à intégrer durablement les populations locales dans la dynamique du projet en les transformant à des capitaux humains compétents et compétitifs. Comme l’a dit Jean Bodin : « Il n’y a de ressources que d’hommes ». Ainsi, un effort de gestion des compétences qui combine formation, reconversion et inclusion sociale, est nécessaire pour garantir l’adhésion des communautés et éviter les conflits.
Il faut, à cet effet, investir dans le capital humain local pour que le pays ne se contente pas d’exploiter ses ressources minières, mais aussi et surtout, préparer son avenir économique et social sur le long terme.
Aboubacar Sidiki Kaba
Doctorant en Administration – Gestion des Ressources Humaines à l’université du Québec à Trois-Rivières, Canada.
MBA – Human Resources Management, Sociologue