La jeunesse guinéenne face à la paresse intellectuelle et la quête de survie : un phénomène alarmant par Kaleb Kolié

 

En Guinée, la jeunesse est souvent perçue comme le fer de lance du développement et du progrès. Pourtant, depuis plusieurs années, un phénomène inquiétant s’est installé, transformant une partie de cette jeunesse en une génération réduite à faire l’éloge de personnalités influentes pour survivre au quotidien. Cette tendance, qui a pris de l’ampleur sous le régime précédent, s’est enracinée dans les pratiques sociales et politiques du pays, avec des conséquences profondes sur la société guinéenne.

-Les origines du phénomène

Sous le régime d’Alpha Condé (2010-2021), une nouvelle dynamique a émergé dans le paysage politique et social guinéen. Les jeunes, confrontés à un chômage massif et à un manque criant d’opportunités, ont commencé à se tourner vers des personnalités fortunées ou des hommes politiques pour assurer leur subsistance. Cette dépendance économique a donné naissance à une culture de l’éloge, où les jeunes se mettent au service de leurs « mentors » en échange de faveurs, d’emplois ou de positions dans la fonction publique.

Beaucoup de ces jeunes se sont reconvertis en blogueurs, influenceurs ou activistes en ligne, utilisant les réseaux sociaux pour défendre coûte que coûte leurs protecteurs, quitte à sacrifier leur indépendance d’esprit. Cette pratique, initialement perçue comme un moyen de survie, est devenue une occupation principale pour une grande partie de la jeunesse, qui y voit désormais une voie rapide vers la reconnaissance sociale et économique.

– Une jeunesse piégée dans un cercle vicieux

Si l’accès à la fonction publique pour certains de ces jeunes est en soi une opportunité positive dans un contexte de désespoir généralisé, il cache une réalité plus sombre. Beaucoup de ces jeunes, une fois intégrés dans le système, perdent toute capacité à penser de manière critique ou à agir de manière indépendante. Ils deviennent des relais passifs d’un système qui les exploite tout en les maintenant dans une position de dépendance.

Pire encore, les jeunes qui critiquaient autrefois ce comportement, souvent parce qu’ils étaient exclus des cercles du pouvoir, semblent aujourd’hui emprunter la même voie. Avec l’arrivée du CNRD au pouvoir, certains de ces critiques se sont rapprochés du nouveau régime, reproduisant les mêmes schémas qu’ils dénonçaient auparavant. Cette volte-face illustre à quel point le système est enraciné et difficile à déconstruire.

-Le phénomène du buzz : une quête de succès sans substance

Un autre aspect inquiétant de cette dynamique est le phénomène du « buzz » sur les réseaux sociaux. En Guinée, comme ailleurs, les réseaux sociaux sont devenus un espace où la notoriété se mesure en likes, en partages et en commentaires. Cependant, cette quête de popularité a donné naissance à une culture du succès instantané, souvent déconnectée de toute valeur ou référence tangible.

Des individus sans réelle expertise ou contribution significative à la société deviennent des « stars » du jour au lendemain, simplement parce qu’ils savent capter l’attention. Cette tendance encourage une jeunesse à rechercher la célébrité facile plutôt que l’excellence ou le travail acharné, renforçant ainsi une culture de la paresse intellectuelle et de la superficialité.

-Les conséquences pour la société guinéenne

Les conséquences de ce phénomène sont multiples et profondes. D’abord, il perpétue une culture de la dépendance, où les jeunes attendent tout des autres plutôt que de prendre leur destin en main. Ensuite, il affaiblit la capacité de la jeunesse à penser de manière critique et à contribuer de manière constructive au développement du pays. Enfin, il sape les fondements d’une société démocratique, où la liberté d’expression et l’indépendance d’esprit sont essentielles.
Face à cette situation, il est urgent que la jeunesse guinéenne prenne conscience des pièges dans lesquels elle est tombée. Les jeunes doivent comprendre que leur avenir ne peut pas reposer uniquement sur l’éloge de personnalités influentes ou sur la recherche de succès éphémère sur les réseaux sociaux. Ils doivent retrouver le goût de l’effort, de la créativité et de l’innovation, et s’engager dans des projets qui contribuent réellement au développement de leur pays.

Les leaders politiques, les éducateurs et la société civile ont également un rôle crucial à jouer. Ils doivent encourager les jeunes à développer leurs compétences, à valoriser le mérite et à construire leur avenir sur des bases solides plutôt que sur des opportunités éphémères.

La jeunesse guinéenne est à un carrefour critique. Elle peut choisir de continuer sur la voie de la dépendance et de la superficialité, ou elle peut se réveiller et prendre en main son destin. Le choix qu’elle fera aujourd’hui déterminera non seulement son avenir, mais aussi celui de la Guinée tout entière. Il est temps de rompre avec la culture de l’éloge et de la paresse, et de construire une société où chaque jeune peut s’épanouir grâce à son travail, son talent et sa persévérance.

Caleb Kolié