Dadis Camara après sa libération : entre tentation politique et nécessité de recul/ par Kaleb Kolié

 

La récente libération de Moussa Dadis Camara, ancien chef de la transition guinéenne, a relancé les débats sur son avenir et son rôle dans le paysage politique guinéen. Alors que certains de ses partisans espèrent son retour sur la scène publique, d’autres appellent à la prudence, estimant que toute prise de position précipitée pourrait nuire à son poids politique dans le pays.

Dadis Camara reste une figure majeure de l’histoire récente de la Guinée. Son passage au pouvoir, marqué par les événements du 28 septembre 2009, a laissé des traces profondes dans la mémoire collective. Bien qu’il ait toujours nié toute responsabilité directe,( d’ailleurs le tribunal n’a trouvé mieux qu’une responsabilité de commandement, comme sa part d’implication), son nom reste malgré tout, associé à cette période sombre.

Aujourd’hui, alors que la Guinée tente de se reconstruire après des années de transition incertaine et de crise politique, la question se pose : Dadis doit-il revenir en politique, ou devrait-il prendre ses distances pour préserver son image et contribuer autrement à la société ?
D’ailleurs, la grâce présidentielle dispense le bénéficiaire de l’exécution de sa peine mais n’efface pas la condamnation de son casier judiciaire, contrairement à une amnistie . Ainsi, elle ne rétablit pas automatiquement les droits civiques et civils (comme le droit de vote ou l’éligibilité), qui peuvent être suspendus par la condamnation initiale et nécessitent souvent une procédure distincte pour leur réhabilitation .

Dans tous les cas, si Dadis Camara nourrit des ambitions politiques, il doit mesurer les risques d’un retour précipité. La Guinée est dans une phase délicate, avec une transition encore fragile et une population divisée. Toute déclaration politique ou toute tentative de repositionnement pourrait raviver les tensions et entamer davantage sa crédibilité, déjà mise à mal par le passé.

De plus, le paysage politique guinéen a évolué. Les acteurs actuels, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, pourraient instrumentaliser son image à des fins partisanes, l’exposant à de nouvelles controverses.

Plutôt que de se jeter dans l’arène politique, Dadis Camara gagnerait à prendre du temps pour lui. Après des années de détention, sa santé physique doit être une priorité. Un retrait temporaire lui permettrait de se reconstruire loin des tumultes politiques.

Il pourrait aussi envisager d’autres formes d’engagement : œuvrer pour la réconciliation nationale, soutenir des causes sociales, ou même partager son expérience à travers des écrits ou des conférences, sans chercher à influencer directement le jeu politique. Une telle démarche lui offrirait une légitimité plus apaisée et éviterait de réveiller les vieilles blessures.

Dadis Camara se trouve à un carrefour crucial. S’il veut préserver son héritage et éviter de nouveaux écueils, il doit adopter une attitude mesurée. Le silence, parfois, est plus éloquent que les discours. En se tenant à l’écart des luttes politiciennes, il pourrait paradoxalement regagner en respect et montrer une maturité que beaucoup attendent de lui.

La Guinée a besoin de paix, de stabilité et de dialogue. Dadis peut choisir d’en être un acteur discret mais positif, plutôt qu’une source de nouvelles polarisations. Le temps est à la sagesse, pas aux calculs politiques.

Caleb Kolié