Journée mondiale de la presse/Un héritage en péril : quand la peur étouffe les medias (Par Tibou Kamara)

 

Les journalistes, pionniers et artisans de la presse indépendante, ainsi que les acteurs ayant marqué au fer rouge l’histoire des médias, sont profondément peinés de constater que la liberté d’expression est compromise plus que jamais, sans cesse menacée. Le paysage médiatique national ressemble désormais à un immense champ de ruines. Sans juger quiconque ni feindre d’ignorer les contraintes, force est de constater que, dans l’ensemble, on a choisi la résignation : prendre son mal en patience en attendant des jours meilleurs. Refusant de s’exposer aux risques de la résistance, beaucoup évitent d’affronter les périls inhérents à la liberté.

Pourtant, le combat pour une indépendance effective et inconditionnelle de la presse reste une œuvre de longue haleine, un défi permanent qui incombe à tous. Il exige des sacrifices immenses et des convictions inébranlables. Quelle tristesse de voir ceux qui ont bénéficié des faveurs des médias, choyés, portés aux nues et défendus par les journalistes, leur planter aujourd’hui un couteau en plein cœur ! C’est une triste habitude, bien guinéenne, de se retourner contre son bienfaiteur. Comme s’il fallait « tuer le père » pour avoir le sentiment d’exister…

Les prédateurs de la presse ne tirent leur force que du silence complice de la société et de la peur paralysante qui s’est emparée des professionnels des médias, pourtant connus pour leur impertinence et leur intransigeance quant à leurs droits et acquis. Cette fois, les armes ont été rangées : les premiers à s’être engagés dans la dissidence paient un lourd tribut. La disparition forcée de Habib Marwane Camara semble avoir découragé les plus téméraires de relever le défi d’une épreuve de force. La stratégie de dissuasion et de guerre préventive a clairsemé les rangs, portant un coup de grâce. Tout le monde n’a pas l’âme d’un martyr, ni la vocation de mourir pour une cause commune…

D’où l’impasse actuelle, cette lente agonie.
Quand la presse se fait accommodante, elle est piétinée ; quand le journaliste se laisse intimider, il devient une proie facile. L’insoumission, héritage que tout journaliste reçoit en partage, est un patrimoine à préserver avec acharnement, quoi qu’il en coûte.

Seuls les conquérants écrivent l’histoire ; seuls les résistants survivent aux injustices et à l’oppression.

Tibou Kamara