Pourquoi des systèmes alimentaires durables sont nécessaires dans un monde post-COVID

 

Les systèmes alimentaires sont essentiels à l’activité économique car ils fournissent l’énergie dont nous avons besoin pour vivre et travailler. Cependant, ceux-ci ont longtemps été ignorés par les macro-économistes, qui estimaient que l’industrie agroalimentaire mondiale, désormais fortement mécanisée, subventionnée et concentrée, offre tout ce dont nous avons besoin en matière d’alimentation.

2020 est l’année de la prise en compte des systèmes alimentaires mondiaux. En quelques mois seulement, la COVID-19 a mis la moitié du globe sous cloche. Les images d’achats compulsifs, de rayons d’épicerie vides et de files d’attente de plusieurs kilomètres dans les banques alimentaires nous ont soudain rappelé l’importance des systèmes alimentaires dans nos vies ainsi que leur déséquilibre.

Cependant, les achats frénétiques de nourriture provoqués par une pandémie ne reflètent pas seulement le comportement humain dans les situations d’urgence. Elles sont la preuve que la chaîne alimentaire mondiale, fortement centralisée et fonctionnant sur la base d’un approvisionnement juste à temps, est susceptible de vaciller face aux chocs. Dans de nombreux pays, par exemple, il est devenu impossible de récolter ou d’emballer des denrées alimentaires car les travailleurs étaient bloqués aux frontières ou tombaient malades. Ailleurs, les stocks se sont accumulés et les avalanches de nourriture ont été perdues en raison de la fermeture des restaurants et des bars. Dans les pays en développement, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et le Programme alimentaire mondial prévoient qu’une « pandémie de la faim » et la multiplication par deux du nombre de personnes souffrant de la faim pourraient bientôt éclipser le coronavirus, si aucune mesure n’est prise.

Pepper seedling
Semis de poivrons. Photo : Milesz/Pixabay

L’état des systèmes alimentaires

Les fissures du système alimentaire mondial sont apparues depuis longtemps. Selon le dernier rapport sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, en 2018 déjà, environ 820 millions de personnes allaient se coucher le ventre vide et un tiers de la population manquait de nutriments essentiels. Dans le même temps, 600 millions de personnes étaient classées comme obèses et 2 milliards en surpoids, en raison d’une alimentation déséquilibrée, également associée à l’obésité, au diabète, au cancer et aux maladies cardiovasculaires qui compromettent la santé immunitaire. Aujourd’hui, les personnes immuno-déprimées et mal nourries dans le monde entier souffrent de manière disproportionnée des conséquences mortelles de la COVID-19. Dans tous ces cas, le bilan humain s’accompagne de coûts économiques énormes, notamment de pertes de revenus et d’une dette publique qui monte en flèche.

Les limites du système alimentaire vont au-delà de l’incapacité à nourrir le monde correctement. Les aliments produits par l’utilisation excessive de produits chimiques, dans des systèmes de monoculture et d’élevage intensif sur terre et en mer, dégradent les ressources naturelles plus vite qu’elles ne peuvent se reproduire et sont à l’origine d’un quart de toutes les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, le bétail étant responsable d’environ la moitié de ce phénomène. Selon des recherches scientifiques, notamment celles de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, les exploitations d’élevage industriel qui élèvent un grand nombre d’animaux dans des espaces confinés élèvent des virus mortels, comme la grippe porcine de 2009, et propagent des « superbactéries » résistantes aux antibiotiques en raison de l’utilisation excessive d’antibiotiques pour favoriser leur croissance et prévenir les infections.

 

 

Dans le même temps, la perturbation incontrôlée de nos habitats vierges pour l’agriculture et la chasse a permis à des agents pathogènes mortels comme le SRAS, le VIH, le virus Ebola, de sauter d’une espèce à l’autre, infectant ainsi la nôtre.

Rétablissement économique

La reconstruction des économies après la crise COVID-19 offre une occasion unique de transformer le système alimentaire mondial et de le rendre résistant aux chocs futurs, en assurant une nutrition saine et durable pour tous. Pour y parvenir, les agences des Nations Unies comme l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, le Programme des Nations Unies pour l’environnement, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et le Programme alimentaire mondial suggèrent collectivement quatre grands changements dans le système alimentaire :

  • Des chaînes d’approvisionnement alimentaire résilientes. Les aliments produits localement peuvent être distribués plus efficacement, ce qui pourrait réduire les risques d’insécurité alimentaire, de malnutrition et d’augmentation des prix des denrées alimentaires, tout en créant des emplois locaux. Cela nécessite une transformation rurale afin de donner aux petits producteurs et aux détaillants les moyens d’agir et de les intégrer dans l’économie des systèmes alimentaires.
  • Des régimes alimentaires sains. La réduction de la surconsommation d’aliments d’origine animale et hautement transformés dans les pays riches ainsi que l’amélioration de l’accès à une bonne nutrition dans les pays pauvres peuvent améliorer le bien-être et l’efficacité de l’utilisation des terres, rendre les aliments sains plus abordables au niveau mondial et réduire les émissions de carbone. Réorienter les subventions agricoles vers les aliments sains, taxer les aliments malsains et aligner les pratiques d’achat, les programmes d’éducation et les systèmes de santé sur de meilleurs régimes alimentaires peuvent contribuer grandement à atteindre ces objectifs. En retour, cela peut réduire les coûts des soins de santé au niveau mondial, réduire les inégalités et nous aider à surmonter la prochaine pandémie avec des individus en meilleure santé.
  • Une agriculture régénératrice. Une transition vers une agriculture durable et régénératrice des terres et des océans, associée à des systèmes alimentaires locaux et régionaux solides, peut permettre de prendre soin de nos sols, notre air et notre eau, en renforçant la résilience économique et les emplois locaux. Il est possible d’y parvenir en encourageant l’agriculture durable, en facilitant l’accès au marché et en uniformisant les conditions financières et réglementaires pour les petits agriculteurs durables par rapport aux grands agriculteurs intensifs.
  • Conservation. Pour sauver des écosystèmes vierges, il est essentiel d’élever moins d’animaux afin de permettre aux pays riches de passer à des régimes alimentaires plus végétaux. Les efforts de conservation conformes aux récentes propositions de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement en faveur d’un cadre mondial pour la protection de la flore et de la faune de la Terre, ainsi que les mesures audacieuses visant à éradiquer le commerce d’animaux sauvages, sont essentiels pour restaurer la biodiversité, stimuler le piégeage du carbone et réduire le risque de futures pandémies.

Les systèmes alimentaires sont à la croisée des chemins de la santé humaine, animale, économique et environnementale. Ignorer cette réalité expose l’économie mondiale à des chocs sanitaires et financiers de plus en plus importants à mesure que le climat change et que la population mondiale augmente. En accordant la priorité aux réformes des systèmes alimentaires dans nos programmes « construire l’avenir », nous pouvons au contraire faire des avancées concrètes vers les objectifs de développement durable et l’accord de Paris sur le climat. Car comme l’a affirmé Winston Churchill : « Des citoyens en bonne santé sont le plus grand atout qu’un pays puisse avoir. »

 

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