TEMOIGNAGE DE FACELY 2 MARA: MERCI A L’EGLISE DE GUINEE. POURQUOI ?

« Nous sommes en 1986. (…) Pourquoi, comment ai-je pu échapper à une arrestation suivie de tortures ? L’Autorité a eu peur des réactions qu’allait déchaîner l’arrestation de l’animateur de « A vous la parole ! ». Mon « cas » fut discuté au cours d’une réunion restreinte du Cabinet. Le Ministre choisit la ligne « douce ». Il aurait déclaré : « Il est déjà un petit Lech Walessa. Nous en ferons un grand s’il est incarcéré » (…) Moins de six (6) mois après, l’AJG (association des journalistes de Guinée) était décapitée en dépit du « parrainage » de l’Officier supérieur (…). Je fus « expulsé » par cette lettre administrative du 12 juillet 1986 (…) Mgr Robert Sarah, s’engagea sur la piste du soutien indéfectible des journalistes. Contrairement à beaucoup d’autres personnalités auxquelles nous avions présenté et « confié » la jeune Association et qui avaient, librement, fait des déclarations de soutien et d’encouragement. Leurs déclarations sont contenues dans le journal Horoya (n° 287 du mardi, 22 avril 1986, page 2 et 288 du jeudi, 24 avril 1986 ; page 3). Celles-ci pratiquèrent la politique de l’autruche : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire ! Elles nous abandonnèrent à nous-mêmes. Puisqu’aucune d’elle ne fit une Déclaration publique de désapprobation. « Je suis tenu par la solidarité gouvernementale » me confiera une d’entre elles. Dans cette lancée de soutien affiché dont nous avions eu tant besoin, l’Archevêque de Conakry adressa, le 18/07/86, au Ministre de la Défense Nationale, le Général Sory Doumbouya, une note manuscrite écrite sur sa Carte de visite. Son contenu est ainsi libellé: «Monsieur le Ministre, Pourriez –vous m’accorder le privilège d’être reçu par vous la semaine prochaine. Votre heure sera la mienne. Respectueusement et avec reconnaissance ». Celui – ci annota sur la même Carte de visite : « Lundi à 10H ». La rencontre, comme prévu, eut effectivement lieue. L’Archevêque put se faire recevoir par le Chef de l’Etat en personne. Que se sont- ils dits, ce jour-là, au Camp Almamy Samory Touré? Il ne me révélera jamais le contenu de leurs entretiens. Tout compte fait, après cette audience, nos adversaires nous collèrent (physiquement) la paix. Définitivement. » Ce silence compréhensible de l’Archevêque de Conakry fut remplacé par une révélation de taille que me fera, une semaine après, un autre chrétien, une de ses ouailles, militaire de son état, membre du CMRN (Comité Militaire de Redressement National), un ami. Le très discret capitaine Jean Traoré (puisqu’il s’agit de lui) me dit : « Petit frère, tu sais que tu es un chanceux : le Président Lansana Conté nous ( ?) a dit qu’il est un fan du « Kouranko di » (= petit kouranko) Facély Deux Mara, et qu’il adore ta voix et ta manière de présenter tes textes » (…). En signe de reconnaissance (envers le prélat), j’ai sollicité de mon père qu’il accepta de le rencontrer au Séminaire de Brouadou. Il y était allé pour une session biblique. Mon père fit effectivement le déplacement. Avec dans ses mains cent (100) noix de colas. Il le porta absent car la veille, l’illustre personnalité avait pris le chemin du retour. En réaction, mon père me dira, en militaire, « Tu ne connaissais pas le terrain ! ». Ce qui signifie : « Tu n’avais pas son agenda » (…) Je me pose encore la question ci-après : « N’eût été cette démarche publique de l’Archevêque de Conakry, quel sort nous auraient réservé, m’auraient réservé nos puissants « amis » d’en face ? » (in mon premier livre « Le « caïman » s’est tu pour de bon – L’histoire de Diomba Mara », éditions L’Harmattan, 2016, pages 136, 137, 139, 140, 141 ; prix 19 euros)