Les États membres de l’ONU sont réunis, à partir de ce lundi 20 février, pour élaborer un traité sur cette partie des océans qui s’étend au-delà des juridictions nationales. La haute mer fait l’objet en effet d’une convoitise grandissante : câbles sous-marins pour nos connexions internet, pêche, ressources génétiques qui intéressent l’industrie pharmaceutique, chimique et cosmétique, exploitation minière des grands fonds : il sera indispensable de la préserver si le monde veut atteindre ses objectifs environnementaux…
La haute mer est au centre de nouvelles négociations internationales à New-York. C’est la troisième fois en moins d’un an que les négociateurs se retrouvent à New York pour une session censée être la dernière. Objectif : protéger la biodiversité des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.
Les ONG dénoncent la lenteur des négociations. Les discussions entamées depuis 2006 se sont en effet heurtées à des divergences de points de vue entre États, notamment concernant la répartition des possibles bénéfices issus de l’exploitation des ressources génétiques de la haute mer. De plus, la pandémie de coronavirus a ralenti le rythme des discussions. Elles n’ont donc pas abouti jusque-là.
Mais l’accord historique conclu en décembre 2022 à Montréal lors de la COP15 sur la biodiversité donne une nouvelle impulsion à ces négociations.
« La haute mer appartient à tout le monde et à personne », souligne Sophie Gambardella, spécialiste en droit international de la biodiversité marine, interrogé par Lucile Gimberg. Cette zone, que l’on connaît mal, commence en effet là où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des États, c’est-à-dire à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes. On sait qu’elle est un foyer important de biodiversité, d’où la nécessité d’y réguler les activités humaines.
Les mesures de protection en discussion
Le projet de texte sur la table qui se voulait très ambitieux, s’articule désormais autour de trois sujets :
– La mise en place d’aires marines protégées (AMP)
Elles existent déjà, mais pas en haute mer. L’objectif de 30 % d’aires marines protégées a été fixé. Mais les délégations sont toujours divisées sur le processus de création de ces sanctuaires.
– L’exploitation des ressources génétiques marines
Chaque État, maritime ou non, pourra organiser des collectes de végétaux, animaux ou microbes, dont le matériel génétique pourra ensuite être utilisé, y compris commercialement, par exemple par des entreprises pharmaceutiques. Sur ce point, des tensions entre le Nord et le Sud existent. « Ce sont plutôt les États du Nord qui auront les technologies pour pouvoir aller exploiter ces ressources génétiques. La question de la répartition équitable des bénéfices est donc au cœur des négociations, comme le transfert éventuel de capacité et de technologie pour qu’à terme, les pays du Sud puissent aussi aller exploiter ces ressources génétiques », explique Sophie Gambardella, spécialiste en droit international de la biodiversité marine.
– Le développement des études d’impact sur le milieu marin
Le traité crée le principe d’obligation d’étudier, avant leur autorisation, l’impact sur l’environnement des activités envisagées en haute mer.
Un certain nombre de règles existent déjà. Mais elles sont datées
La Convention des Nations unies sur le droit de la mer a été adoptée en 1982. À l’époque, on ne connaissait rien sur la haute mer puisque les activités humaines se limitaient aux zones côtières. Mais de nouvelles activités apparaissent, comme la pêche en haute mer, l’exploitation des ressources génétiques ou minérales.
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Cet espace qui représente à peu près la moitié de la planète ne bénéficie pas d’un régime de gestion adapté. Il devient donc urgent d’adopter un traité pour la protection de cet espace, et ce, d’autant plus que ce futur texte sera une étape clé pour atteindre l’objectif de protéger 30% de la planète d’ici à 2030.
Il existe toutefois déjà des garde-fous, selon Sophie Gambardella. « On a déjà tous les traités d’environnement classiques qui s’appliquent, la Convention sur la diversité biologique s’applique par exemple en haute mer. On a aussi 50 organisations régionales de gestion de pêche qui régulent les techniques de pêche qui ont un impact sur l’environnement. Donc, on a quand même des choses, mais cela reste incomplet et peu coordonné. Le but de ce traité, c’est de permettre à la fois de compléter les régimes juridiques et aussi de coordonner l’ensemble ».
Les défenseurs des océans soulignent que pour être efficace, le traité doit être « universel » en recueillant l’adhésion du plus grand nombre de pays. Il pourra toutefois entrer en vigueur à partir de 30 ou 60 ratifications, un nombre sur lequel les États doivent se mettre d’accord.
rfi.fr