Violences faites aux femmes: au commencement était l’inégalité nutritionnelle

    Une étude interdisciplinaire récente suggère que l’écart de taille entre les hommes et les femmes (de 6 à 18 cm en moyenne suivant les populations) aurait pour origine l’appropriation de la meilleure nourriture par les mâles aux dépens des femelles chez les Homo Sapiens depuis la nuit des temps. Spécialiste de l’anthropologie évolutive, la chercheuse Priscille Touraille montre que ce dimorphisme sexuel de stature n’est pas une adaptation « positive » du point de vue de la sélection naturelle. Elle estime que ce sont les femmes qui devraient être aussi grandes, voire plus grandes, que les hommes. Une remise en question de la pensée commune.

    Et si la première violence faite aux femmes, depuis la préhistoire, était la privation de nourriture, ou plus précisément l’inégalité nutritionnelle ? C’est ce que l’on peut déduire de la thèse qu’a soutenue Priscille Touraille, socio-anthropologue au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), une étude révolutionnaire qui mérite que l’on s’y attarde au moment où l’on célèbre ce 25 novembre la Journée internationale de la violence à l’égard des femmes, événement placé sous l’égide des Nations unies. Selon la chercheuse, qui a mis en dialogue les modèles et les résultats issus de nombreuses disciplines, les mâles Homo sapiens – ainsi que leurs ancêtres – se seraient, depuis toujours, approprié les aliments les plus riches au détriment des femelles.

    Non seulement cette inégalité devant la nourriture est-elle injuste en tant que telle et ne se justifie absolument pas au regard de la survie de l’espèce, mais elle pourrait être également la cause principale de l’écart de taille entre les hommes et les femmes, qui se situe entre 6 et 18 cm en moyenne sur la planète, suivant les populations. Et la disparité alimentaire n’est pas mince. Cas d’école : en observant durant deux ans les habitudes alimentaires des Hadza en Tanzanie, l’une des dernières tribus contemporaines dites de « chasseurs-cueilleurs », l’anthropologue américain Frank Marlowe a par exemple constaté dans une étude publiée en 2010 que la viande constituait en moyenne 40% du régime alimentaire des hommes contre seulement 1% du régime alimentaire des femmes chez les Hadza. Ce différentiel de 40 à 1 se retrouvait également chez eux pour un aliment hautement valorisé comme le miel.