L’ALTERNANCE GENERATIONNELLE
« La jeunesse n’est qu’un mot », écrivait Pierre Bourdieu. Les « maux de la jeunesse » ou « les jeunes comme maux », entend-on souvent. Y a-t-il un moyen d’identifier avec quelque rigueur cet « objet introuvable » ? D’autant qu’il est difficile de définir la jeunesse en termes biologique, social, démographique…
La définition de qui entre dans la catégorie des jeunes varie selon les pays et est susceptible de dépendre de réalités contextuelles spécifiques. Selon la Charte africaine de la jeunesse, le mot jeune s’entend de toute personne âgée de 15 à 35 ans. Voilà qui me rassure, je serai donc jeune !
La question selon moi ne réside pas dans une quelconque opposition ou un quelconque remplacement de la gérontocratie par la juvénocratie, ce qui reviendrait à remplacer, vous en conviendrez, une dictature par une autre. Il ne s’agit pas d’une lutte des âges.
Aucune génération seule n’a jamais changé un pays !
La jeunesse s’entend pour moi comme un état de conscience : c’est ainsi qu’on aura des jeunes de 70 ans et des vieillards de 20 ans. D’ailleurs, Amadou Hampaté Ba disait que le vieillard ce n’est pas la personne qui a les cheveux gris ou blancs, celle qui est usée, le vieillard c’est celle qui n’a plus l’esprit d’entreprendre, de se projeter, de se tourner vers l’avenir. Ainsi, la jeunesse biologique n’est pas superposable avec les qualités requises et les caractéristiques de la jeunesse qui sont : la force de travail, le gout de se projeter, car conscient que sa vie n’est pas faite, l’interconnexion, les interactions, le travail en synergie, la mise en place d’un idéal politique auquel la majorité s’agrègerait, l’apport de visions et idées nouvelles et fraiches dans la sphère politique, la proposition d’une offre politique qui ne soit pas en décalage avec les attentes des jeunes, la propension à se lancer dans une construction avec toute la fougue, toute l’énergie, toute la promptitude en gardant toutefois un œil attentif dans le rétroviseur pour voir ce qui a fait que les gens sont devenus vieux.
Je terminerai mon propos en évoquant le paramètre de l’habitude. Bonne ou mauvaise, l’habitude est confortable. La jeunesse qui elle n’a pas établi d’habitudes est disposée à l’élan vers la nouveauté, vers l’innovation en l’absence de repères ou de pensées tiroirs. Il faut donc une jeunesse avertie par la vieillesse de même qu’une vieillesse secouée par la jeunesse pour
éviter de dormir dans le confort des habitudes.
Nadia Nahman
Doctorante
Cheffe de cabinet du Président de l’UFDG