Espace: toujours plus ambitieuse, l’Arabie saoudite envoie deux astronautes vers l’ISS

 

Rayyanah Barnawi (à gauche) et Ali al-Qarni (à droite), les deux astronautes saoudiens, accompagnés de Peggy Whitson et John Shoffner (au centre), le 20 mai 2023. Cet équipage doit s’envoler pour la station spatiale internationale le 21 mai depuis Cap Canaveral. via REUTERS – SAUDI PRESS AGENCY

L’Arabie saoudite s’apprête à envoyer deux astronautes vers la Station spatiale internationale (ISS). Le décollage est prévu ce dimanche 21 mai à Cap Canaveral, aux États-Unis. C’est un nouveau coup de projecteur sur un royaume qui cherche à se débarrasser de son image conservatrice.

Un homme, Ali Al-Qarni, et une femme, Rayyanah Barnawi. Ce sont les noms des deux astronautes saoudiens qui rejoindront la Station spatiale internationale. Pendant un peu plus d’une semaine, ils participeront à plusieurs expérimentations scientifiques ainsi qu’à des programmes de sensibilisation à destination d’étudiants saoudiens, explique notre correspondant régional, Nicolas Keraudren. Cette mission a été qualifiée d’« historique » par le patron de la Commission spatiale saoudienne.

Car c’est seulement à la fin de l’année 2018 que cette Commission a vu le jour suite à un décret royal. Depuis, des investissements colossaux dans ce domaine ont été annoncés, jusqu’à l’aboutissement, en septembre 2022, d’un programme pour les astronautes saoudiens.

Cette stratégie s’inscrit dans le cadre de la « Vision 2030 » du royaume. L’Arabie saoudite, premier exportateur de pétrole brut au monde qui dépend encore largement de ses revenus pétroliers, cherche en effet à diversifier son économie, mais aussi à redorer son image austère.

Les projets démesurés d’Axiom dans l’espace

La mission à laquelle Ali Al-Qarni et Rayyanah Barnawi prennent part est quelque peu particulière, puisque celle-ci est privée. C’est l’entreprise américaine Axiom Space qui est à la manœuvre. Et elle a de très grandes ambitions pour l’avenir.

Fondée par un ancien de la Nasa, c’est la deuxième fois qu’Axiom Space organise une mission dans l’espace, décrypte Simon Rozé du service Sciences de RFI. Si elle fait appel à SpaceX pour le lancement, c’est bien elle qui a conclu les accords pour que ses astronautes, privés, bénéficient des infrastructures de l’ISS.

Cette mission de dix jours, qui en annonce d’autres, a des airs de tourisme spatial saupoudré de recherche scientifique. L’entreprise souhaite en effet être la première à avoir sa propre station privée en orbite. Pour cela, Axiom a obtenu l’accord de la Nasa pour amarrer, dans un futur proche, ses modules à l’ISS. Et lorsque celle-ci prendra sa retraite à l’horizon 2030, ses modules pourront sans détacher pour qu’ils soient autonomes.

Le projet avance – les premiers éléments sont déjà en construction – et il bénéficie d’un regard bienveillant des autorités américaines. Après avoir confié l’exploration de l’orbite basse terrestre au secteur public, elles voient d’un bon œil le passage de relais au privé, afin que la Nasa puisse se concentrer sur l’exploration plus lointaine ; la Lune dans un premier temps, avec le programme Artémis, dans lequel d’ailleurs Axiom est partie prenante. La Nasa lui a confié la tâche essentielle de développer les nouveaux scaphandres qu’utiliseront les astronautes.

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, deux pays animés par une nouvelle rivalité spatiale

Ali Al-Qarni et Rayyanah Barnawi, les deux astronautes saoudiens qui doivent décoller ce dimanche 21 mai en direction de la station spatiale internationale, retrouveront à bord un autre astronaute arabe : Sultan al-Neyadi, des Émirats arabes unis. Une victoire pour ces deux pays lancés dans une course à l’espace.

Ses vidéos sont vues des centaines de milliers de fois. Sultan al-Neyadi, à bord de l’ISS depuis début mars, filme de l’espace les déserts de la péninsule arabique et immortalise le monde arabe, de l’Irak à la Mauritanie. Les Émirats arabes unis l’ont bien compris : leur astronaute à bord de l’ISS est un formidable outil de communication, explique Nicolas Feldmann.

La présence d’une femme, ce dimanche, dans l’équipage saoudien ne doit rien non plus au hasard pour un prince héritier engagé à présenter une image moderne de son royaume. Pour l’Arabie saoudite comme pour les Émirats arabes unis, l’espace, nouvelle terre de rivalité, s’impose aussi comme un champ de recherche scientifique et technologique.

En Arabie saoudite, pionnière dans la région avec l’envoi dès 1985 du premier astronaute arabe dans l’espace, la recherche spatiale est au cœur du plan « Vision 2030 » pour diversifier l’économie de la rente pétrolière. Plus de 2 milliards de dollars ont été alloués au programme spatial. Les Émirats arabes unis ont eux rattrapé leur retard. En 2021, ils entraient dans le club très fermé des pays à mettre un satellite en orbite autour de Mars. Un an plus tard, Abou Dhabi échouait à poser un rover sur la Lune. « Nos ambitions sont intactes », déclarait le mois dernier le vice-président émirien, annonçant qu’une nouvelle mission lunaire était en cours

rfi.fr