En Libye, près de 20 000 migrants sont actuellement détenus dans des centres de rétention, selon plusieurs organisations non gouvernementales. Dans ces lieux, les violences sont devenues la norme : traite humaine, torture, travail forcé, extorsion et conditions de détention inhumaines sont monnaie courante. Ces abus se déroulent au su des autorités libyennes, qui continuent pourtant de recevoir un soutien financier et logistique de l’Union européenne pour contenir les flux migratoires.
Après des années de silence, plusieurs défenseurs des droits humains libyens lèvent enfin le voile sur ces pratiques. Parmi eux, Imad Lamloum, chercheur et président du Centre d’études de Benghazi sur les migrants et réfugiés, témoigne. Il effectue régulièrement des visites dans les centres de détention et a recueilli les récits de nombreux migrants interceptés en mer ou dans le désert par les garde-frontières.
Selon lui, une corruption généralisée gangrène les services de sécurité. « Tous les appareils sécuritaires ont compris que l’immigration est devenue une source lucrative. Il y a une véritable lutte d’influence entre au moins six entités pour contrôler ce secteur », affirme-t-il.
Les témoignages qu’il rapporte sont édifiants : confiscation des téléphones, de l’argent, des vêtements et même des chaussures dès l’interception en mer, souvent à bord de bateaux fournis par l’Union européenne. « Les exactions et les vols sont devenus une pratique courante, et tout le monde ferme les yeux, y compris les autorités européennes », déplore-t-il.
Imad Lamloum pointe également du doigt la responsabilité directe du ministre de l’Intérieur libyen, qui, selon lui, joue un rôle central dans la gestion des garde-côtes et des frontières, des missions normalement dévolues à l’armée.
Malgré ces abus largement documentés, le nombre de migrants présents en Libye a augmenté de 4 % depuis le début de l’année, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). En 2024, plus de 200 000 personnes ont traversé la Méditerranée depuis les côtes d’Afrique du Nord.
RFI