Manifestation à Boké : l’analyse du député Elhadji Bembo Sylla

    La ville de Boké recèle un trésor de 25 milliards de tonnes de bauxite soit un tiers des réserves de la planète. Oui, un tiers des réserves mondiales ! Depuis près de cinquante ans, la compagnie des bauxites de Guinée (CBG) exploite plusieurs mines à Sangarédi et Kamsar.

    Aussi, depuis de longues années d’autres compagnies se ruent sur les mines de la région à qui mieux mieux dont la société minière de Boké (SMB) aux mains d’un consortium regroupant un géant chinois de l’aluminium et un homme d’affaires libanais, Fadi Wazni ami très proche du président Alpha Condé.

    Cette population de plus de 100.000 habitants s’est malheureusement appauvrie d’année en année depuis l’installation de la CBG jusqu’à la SMB.

    La population de Boké connaît de très graves pénuries d’électricité, d’eau, de routes, d’infrastructures de santé, de formation technique ainsi qu’un chômage endémique des jeunes et adultes plus la pollution à grande échelle due notamment, au mode de transport archaïque de la bauxite dans des camions bennes non bâchés dispersant la bauxite sur les êtres humains, les animaux, les plantations d’arbres fruitiers, la flore en général, les habitations domestiques, les cours d’eau….

    L’homme qui devrait être placé au cœur des préoccupations de développement socio-économique est totalement mis à l’écart dans la région minière de Boké. L’exploitation à ciel ouvert de la bauxite de Boké laisse derrière elle un environnement de désolation caractérisé par la destruction de l’environnement, de la diversité biologique, l’érosion des sols à grande échelle, des cratères dangereux pour l’homme et la faune.

    Que signifie réellement le vocable de « zone économique exclusive » ? Et pourvu que ça ne consolide pas la balkanisation de ce qui s’apparente à un apartheid minier.

    Les ouvriers revendiquent constamment de meilleures conditions de travail. Comme en mars 2016 déjà, quand les ouvriers de Wining Alliance (Africa) Port limited (WAP) qui exploite le port de la société minière de Boké (SMB) ont barricadé l’accès du port pour une meilleure condition de vie et de travail. Cette condition, depuis, n’a jamais été améliorée.

    Depuis le 20 juillet dernier, la SMB exporte plus d’un million de tonnes de bauxite par mois à partir du port fluvial géré par WAP. Les travailleurs de la SMB (exploitation) et ceux de WAP (port) disent être entassés dans des dortoirs : « nous sommes quatre par chambrette au départ puis six par la suite avec des toilettes hors d’usage quotidiennement ».

    Par la présence française dans les mines de Boké, nous en appelons à l’attention du gouvernement de monsieur Macron sur ces états de faits. Surtout, comme son nom l’indique, la société française, l’ « Alliance Minière Responsable (AMR) » doit veiller et être attentive à ces situations après la signature d’un accord de production de quinze ans avec la société minière de Boké.

    Si le gouvernement guinéen ne veut pas sacrifier l’emploi des jeunes guinéen dans nos mines au profit des recrutements externes de compétences des pays voisins ou africains, « l’attribution des concessions minières doit être précédée de la préparation (formation anticipée) des jeunes guinéens aux métiers concernés prêts à occuper une part significative des emplois des emplois administratifs et techniques dans les phases de construction et de l’exploitation ».

    Autrement dit, « c’est dans la phase d’études environnementales et sociales puis de construction, que l’Etat et la société minière peuvent ou doivent procéder soit localement soit à l’extérieur, à la formation adaptée et anticipée des jeunes guinéens aux postes administratifs et techniques à pourvoir dans la phase opérationnelle ». Sinon, ils ne pourront occuper que des emplois subalternes dans leurs propres pays.

    « Les redevances à verser, si elles sont judicieusement utilisées, peuvent créer des emplois indirects et activités génératrices de revenus grâce notamment à des prêts consentis aux jeunes et aux femmes pour la mise en place de petites entreprises de sous-traitance ». Ce qui permettrait de doter le pays de ces petites et moyennes entreprises dynamiques avec en prime, l’avantage d’élargir le nombre et la qualité de nos entrepreneurs locaux » des méthodes qui ont fait du Japon, de la Chine et de plusieurs autres « tigres » asiatiques ce qu’ils sont de nos jours sur l’échiquier mondial.

    La condition sine qua non pour réussir une telle entreprise, l’éligibilité des jeunes filles et garçons de Guinée doit être assujettie à des critères objectifs qui évitent de tomber dans le travers habituel partisan, politique, ethnique ou népotique.

    Une préoccupation majeure est celle de savoir pourquoi depuis près de cinquante ans nous n’exportons que de la bauxite brute ? Il faut que l’Etat guinéen négocie bien, suit et exige l’application stricte des obligations conventionnelles dans les mines.

    « Aucune société n’exprimera clairement son refus d’aller vers la transformation sur place de la bauxite en alumine mais aucune ne s’y obligera non plus si cela ne correspond pas à ses intérêts et si elle dispose d’une possibilité (pression politique, amicale ou corruption) pour échapper à ses obligations ».

    Il est impératif que la totalité des redevances locales minières soit consacrée au développement local en vaillant à l’affectation exceptionnelle de ressources aux zones souffrant de l’exploitation minière dans le but d’impulser le développement d’activités agricoles, agro-alimentaires, d’élevage, de pêche, financement d’activités socio-économiques génératrices d’emplois et de revenus de même que la réalisation et de fourniture progressive et améliorée de services sociaux de base à la population concernée. Sur le territoire national

    « L’Etat doit veiller et se préoccuper maintenant, pour gagner de ressources plus importantes, à ce que dans le cas de la bauxite, que les phases de transformation en alumine et ou en aluminium aient lieu ne serait-ce que partiellement ».

    Quelques dizaines de camions bennes aux habitants de Boké est loin d’être une solution à ce problème si important et préoccupant pour l’avenir et la quiétude. En tout état de cause, on ne peut pas s’enorgueillir d’une telle exploitation primitive de la bauxite.

    Honorable Elhadj Dembo SYLLA

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