Home À LA UNE Sommet UE-Ukraine: les dirigeants européens en démonstration de force à Kiev

Sommet UE-Ukraine: les dirigeants européens en démonstration de force à Kiev

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé ce jeudi depuis Kiev que l’UE prévoyait de nouvelles sanctions contre la Russie. Et ce alors qu’un sommet UE-Ukraine se tient ce vendredi 3 février dans la capitale ukrainienne.

« Nous allons continuer à faire monter la pression encore plus haut ». À son arrivée à Kiev, et alors que les rumeurs d’une nouvelle grande offensive russe circulent de plus en plus, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a tenu à se montrer inflexible à l’égard de Moscou. « D’ici au 24 février, exactement un an après le début de l’invasion, nous visons à mettre en place le dixième paquet de sanctions », a-t-elle annoncé lors d’une conférence de presse conjointe avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

« Aujourd’hui, la Russie paie un lourd tribut, car nos sanctions érodent son économie, la faisant reculer d’une génération », s’est-elle félicitée, alors que Bruxelles a mis en place depuis près d’un an une pluie de sanctions pour limiter les revenus de Moscou destinés à soutenir son invasion. Parmi elles, l’une des mesures les plus marquantes est le plafonnement du prix du pétrole russe à l’export à 60 dollars. Selon Ursula von der Leyen, cette limitation fixée début décembre par l’Union européenne, le G7 et l’Australie, « coûte déjà à la Russie environ 160 millions d’euros par jour ».

Début décembre, l’UE avait également mis en place un embargo sur le pétrole brut russe transporté par voie maritime. Celui-ci va s’étendre dès dimanche à l’achat de produits pétroliers raffinés russes et les pays du G7 plafonneront également le prix de ces produits.

Juste avant les déclarations de la présidente de la Commission européenne, le Conseil européen avait quant à lui annoncé le déblocage d’une aide militaire de 500 millions d’euros en faveur de Kiev, ainsi que 45 millions pour des missions de formation. Cela porte le total de l’aide européenne depuis le début du conflit à 60 milliards d’euros. « Nous continuerons de soutenir l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra et aussi longtemps que cela sera nécessaire », a précisé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

La question de l’adhésion au menu du sommet

Ces annonces ont été faites alors que Kiev accueille ce vendredi un sommet des dirigeants européens et ukrainien. Les 27 chefs d’État et de gouvernement seront représentés par le président du Conseil européen, Charles Michel, la présidente de la Commission européenne et le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell qui rencontreront le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. « Un geste fort », estime Sylvain Maillard, le directeur de l’Institut Jacques Delors. « C’est la première fois, je crois, que dans l’histoire de la construction européenne, toute une délégation de commissaires européens se déplacent dans un pays en guerre pour lui donner ce signal. »

Il sera notamment question lors de ce sommet de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. La Pologne et les pays Baltes, très investis dans l’aide militaire à leur voisin en guerre, sont de ceux qui estiment que la demande d’adhésion de Kiev doit être examinée le plus rapidement possible. Mais un nombre important de grands États membres souhaitent ne pas envoyer de message trop encourageant. L’année dernière, Emmanuel Macron avait ainsi déclaré que le processus pourrait prendre des « décennies ». Les autorités ukrainiennes, elles, ont un tout autre calendrier en tête : le chef de la diplomatie Dmytro Kouleba parle d’entamer les négociations de pré-adhésion d’ici la fin de cette année.

Les attentes très élevées de l’entourage de Zelensky

Les attentes sont très élevées dans l’entourage du président ukrainien, peut-être même trop élevées, à en croire plusieurs experts qui se sont exprimés dans les médias ces dernières heures, rapporte le correspondant de RFI à Kiev, Stéphane Siohan. L’objectif, pour Kiev, c’est que les négociations d’adhésion avec Bruxelles débutent le plus rapidement possible. Le Premier ministre Denys Chmyhal a ainsi déclaré que « ces négociations pourraient commencer cette année, ouvrant la voie à une accession dans un horizon de deux ans ».

Cependant, les diplomates européens se montrent beaucoup plus prudents. Selon plusieurs sources, ce sommet est avant tout destiné à rassurer les Ukrainiens, à réaffirmer le soutien à l’adhésion, mais seulement lorsque plusieurs critères seront remplis. Ainsi, en juin 2022, lorsque Kiev a obtenu le statut de pays candidat, la Commission européenne a fixé sept conditions à l’ouverture de négociations. Parmi elles, la réforme de la justice, la réforme de la Cour constitutionnelle, la lutte contre la corruption, contre le blanchiment ou encore une nouvelle loi encadrant le secteur des médias.

Or, s’il y a eu des progrès, il reste encore beaucoup de pain sur la planche, notamment sur la question cruciale de la Cour constitutionnelle. Cela dit, il peut paraître compréhensible que l’Ukraine soit bridée sur de telles réformes, en période de guerre. Ce sommet sera surtout l’occasion pour la délégation de l’UE de vérifier si l’Ukraine fait bien ses devoirs.

Ce à quoi on peut s’attendre, c’est certainement un discours européen relativement réaliste, c’est-à-dire qu,i d’un côté, réaffirmera justement cette perspective européenne de l’Ukraine, qui également prendra acte des réformes qui ont été accomplies récemment en pleine guerre, et notamment du point de vue de la lutte contre la corruption, mais qui, d’un autre côté, ne prendra pas d’engagement ferme concernant justement le calendrier de l’adhésion ukrainienne.

Laure Delcour, maîtresse de conférences en science politique à l’Université Sorbonne-Nouvelle

En juin, la Commission européenne a recommandé l’octroi du statut de candidat, à condition que l’Ukraine s’attèle à série de réformes législatives et politiques. Ce jeudi, à Kiev, Ursula von der Leyen a sur ce point salué les récents efforts de lutte anti-corruption. « Les 27 trouvent parfois que la Commission a donné trop de signes d’encouragement à une adhésion rapide et souhaitent calmer le jeu », explique un observateur. L’idée d’une adhésion graduelle est désormais sur la table. Elle permettrait à l’Ukraine d’avoir accès à des programmes européens et de bénéficier des financements européens pendant les négociations. Une façon de temporiser sans décourager les Ukrainiens

 

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