L’économie numérique connait un essor considérable dont les répercussions se font sentir de « plus en plus graves » sur l’environnement. Entre la consommation d’eau et d’électricité des centres de données et l’épuisement des matières premières, les e-déchets ont augmenté de 30 % en 12 ans, a annoncé mercredi 10 juillet la Cnuced, l’agence de l’ONU pour le commerce et le développement, dans un rapport.
Quand on parle de pollution, on pense volontiers aux transports, aux usines ou même à l’agriculture intensive. Moins aux ordinateurs et aux smartphones. Et pourtant, numérisation ne veut pas dire dématérialisation. En 2020, les émissions en CO2 des technologies de l’information et de la communication (TIC) étaient comparables à celui du transport aérien ou du fret maritime : ils représenteraient aujourd’hui jusqu’à 3,2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon le rapport de la Cnuced.
Les data centers par exemple consomment l’équivalent de la production française d’électricité
De l’extraction et le traitement des matières premières jusqu’à la fabrication, la distribution, l’utilisation et la mise au rebut, les outils numériques ont besoin de beaucoup de ressources, non seulement pour fonctionner, mais aussi pour être fabriquées. Par exemple, la production d’un ordinateur de 2 kg nécessite environ 800 kg de matières premières. Quant aux data centers qui stockent et partagent toutes nos données, leur voracité en énergie est telle qu’ils utilisent autant d’électricité que toute la production française annuelle.
Il n’y a pourtant pas que l’électricité, rappelle Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la Cnuced : « Google a révélé qu’en 2022, l’entreprise a consommé 21,2 millions de m3 d’eau pour alimenter ses bureaux et ses data centers. » Une tendance qui n’est pas isolée chez les géants de l’information. Elle poursuit : « De son côté, on estime que Microsoft, pour entraîner Chat GPT, a utilisé 700 000 litres d’eau pour [refroidir] ses data centers. On ne peut pas dire que c’est quelque chose de marginal. »
Mieux contrôler le développement de l’économie numérique
Le développement de l’intelligence artificielle (IA) et le minage de cryptomonnaies sont particulièrement préoccupants pour la Cnuced. Le minage du bitcoin, par exemple, a vu sa consommation d’énergie mondiale multipliée par 34 entre 2015 et 2023. Un problème, selon le rapport. D’où l’urgence de mieux contrôler le développement de l’économie numérique.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres le rappelle : « La numérisation continue d’avancer à la vitesse de l’éclair, transformant les vies et moyens de subsistances ». Pourtant, un essor non régulé de l’économie numérique risque de laisser de côté une partie de la population et d’exacerber les défis environnementaux, a-t-il prévenu. Et ce, au détriment des pays les moins avancés (PMA).
Shamika Sirimanne, responsable des questions de technologie et de logistique à la Cnuced, estime que la question de savoir à quoi va servir l’IA n’a pas encore trouvé de réponses. « Mais avant qu’il soit trop tard, il faut engager cette discussion », a-t-elle insisté.
Pour y parvenir, plusieurs mesures ont été citées. En évitant, par exemple, d’installer des data centers là où l’eau se fait rare, en utilisant, des énergies renouvelables, ou encore en recyclant au maximum les déchets numériques.